Summary :
The strong variations of exchange rates and interest rates on a futures market implies important financial risks. The European Regulation « EMIR » of the 4th July 2012 has been taken to improve transparency in derived products markets and to reduce systemic risks. Therefore, economic operators are seeking decreased or covered risks. Moreover, these financial contracts approximate the secured financing law, more particularly by the establishment of a master contract of « termination / compensation ", or by the exorbitant regime favorable to exchange contracts to escape from the right of collective proceedings.
Résumé :
Les fortes variations des taux de change et taux d’intérêts sur les marchés à terme font courir des risques financiers importants aux investisseurs, entreprises, banques et établissements financiers. Ainsi, les opérateurs économiques sont les premiers à vouloir que ces risques soient diminués ou couverts. Pour ce faire, la couverture est assurée par des contrats financiers. Le règlement européen « EMIR » en date du 4 juillet 2012 est intervenu afin d'améliorer la transparence sur les marchés de produits dérivés et de réduire le risque systémique. De plus, ces contrats financiers se rapprochent du droit des sûretés, notamment par l’établissement de contrats cadre de « résiliation/compensation », ou par le régime exorbitant favorable aux contrats d’échange pour échapper au droit des procédures collectives.
Introduction
Le phénomène de globalisation croissante des économies ainsi que des marchés financiers, conjugué à l'instabilité des prix et à la volatilité des taux d'intérêts[1], a conduit à la multiplication de la nature des risques financiers auxquels doivent faire face les acteurs économiques. Parmi les risques les plus courants, on identifie classiquement le risque de change, lorsque l'entreprise réalise une opération dans une devise autre que sa monnaie nationale et le risque de taux, qui fait peser une incertitude sur les résultats de l'entreprise[2].
Plus précisément, le risque de change peut se définir comme les variations des contreparties en euros des flux en devises, que l’on doit ou que l’on détient toutes échéances confondues, qui peuvent avoir lieu à la suite de modifications non anticipées des cours de change[3]. Le risque de taux d'intérêt est le risque que fait courir au porteur d'une créance ou d'une dette, à taux fixe ou variable, l'évolution des taux entre la date de l'engagement et la date du règlement[4]. Afin de gérer ces risques financiers, la pratique[5] a développé des outils appropriés. Il s'agit des instruments financiers à terme[6]. Ils constituent une notion juridique introduite par la loi du 2 juin 1996, codifiée à l'article L. 211-1 du Code monétaire et financier et aujourd'hui définie par une énumération énoncée aux articles D. 211-1 A et L. 211-36, II du Code monétaire et financier. Cette notion se substitue à celle de "marché à terme" de l'article 1er de la loi du 28 mars 1885[7].
La couverture est en effet la fonction première des contrats financiers. Ils regroupent « l’ensemble des instruments financiers permettant de se couvrir contre une variation adverse ou de bénéficier d’une variation anticipée du cours des actifs dis « sous-jacents », tels que les cours de change ou les taux d’intérêt »[8]. De ce fait, les instruments financiers à terme sont des conventions[9] qui permettent d’assurer la couverture du risque de variations future du prix de différents actifs ou paramètres sous-jacents, en conférant le droit ferme ou facultatif[10], d'obtenir à l'échéance d'un terme, soit le sous-jacent au prix en vigueur au début du terme, soit la différence en numéraire entre ce prix et celui en vigueur à l'échéance du terme Ces contrats financiers s’échangent sur les marchés dérivés, puisque leur règlement s’effectue à une date future[11].
A la lecture de l'énumération des contrats financiers, posé par l'article D. 211-1 A du Code monétaire et financier, on peut distinguer quatre techniques par lesquelles les contrats financiers se matérialisent[12]. La première est le contrat d'option qui est celui où la partie qui a payé la prime, désignée « acheteur » du contrat, bénéficie d'une promesse unilatérale lui conférant la faculté, mais non l'obligation, d'exiger de l'autre, dite « vendeur » du contrat, pendant le cours ou à l'échéance du terme, la conclusion et l'exécution d'un contrat. La deuxième technique est le contrat d'échange par lequel les parties s'« échangent » des conditions de taux d'intérêt ou de devise. Ce sont des contrats à terme fermes et, généralement, à exécutions successives. La troisième technique repose sur les accords de taux futur qui sont des conventions par lesquelles les parties s'accordent pour payer la différence entre deux taux sur une durée qui ne commence à courir qu'à l'échéance d'un terme. Ce type de contrat est, en réalité, d'une nature proche de celle de l'échange de taux avec la particularité que l'échange se produit sur une période future. La quatrième technique est constituée par le contrat à terme servant au transfert des risques de crédit[13]. Ce sont des contrats ayant pour objet de transférer soit le risque de défaillance du débiteur[14], soit le risque de dégradation du rendement[15], soit les deux[16], sans transfert de la créance correspondante. Ils constituent une couverture contre le risque de défaillance du débiteur et/ou la baisse du rendement du crédit. Les instruments financiers à terme sont alors divers et regroupent un grand nombre de conventions, que l’on nomme des produits dérivés parce que ces instruments sont conçus sur la base d’instruments classiques. A titre d'exemple nous pouvons citer les contrats d’échange, les options de taux plafonds, les options de taux planchers, les contrats futurs, etc.
Par quelles spécificités juridiques les instruments financiers à terme permettent une véritable couverture des risques de change et de taux ? Nous présenterons dans une première partie leur classification ainsi que leur réglementation (I), puis nous analyserons les spécificités de leur régime protecteur (II).
I. Classification et réglementation des instruments financiers à terme
Les instruments financiers à terme se négocient sur des marchés organisés ou de gré à gré (A). On peut ensuite les distinguer selon qu’ils sont à terme, optionnels ou d’échanges (B).
A. Classification des instruments financiers en fonction des modalités de négociation du contrat
Les contrats financiers à terme peuvent être négociés selon trois modalités différentes. Ils peuvent tout d'abord être négociés sur un marché réglementé. S'agissant de NYSE-Euronext, l'ensemble des contrats financiers à terme est désormais traité sur NYSE-Euronext Liffe[17]. Ils peuvent l'être également sur un marché qui n'est pas réglementé, mais simplement « organisé », comme l'est celui géré par Powernext SA pour les contrats portant sur l'électricité. Enfin, il est possible de conclure des contrats financiers à terme de gré à gré, c'est-à-dire directement entre les parties[18]. La pratique financière parle de contrat à terme standardisé[19], lorsque ceux-ci sont traités sur un marché, et de contrat à terme non standardisé[20] pour ceux qui sont conclus sur de gré à gré[21].
Nous envisagerons tout d’abord la réglementation des marchés réglementés (1), puis ensuite celle relative aux marchés de gré à gré (2).
1.Les marchés réglementés, place de négociation des contrats d'options ou des contrats à terme « standardisés »
Un contrat à terme « standardisé » est un accord entre deux parties pour acheter ou vendre un actif à une date ultérieure, pour un prix fixé à l’avance[22]. Dans ces conditions, un opérateur peut aisément dénouer son engagement en concluant un engagement de sens opposé, ce qui facilite la liquidité de ses instruments. Les options consistent en un droit et non une obligation d’acheter[23] ou de vendre[24] une quantité fixée d’un sous-jacent donné, à une échéance convenue[25]ou avant cette échéance[26]. Ces contrats se négocient uniquement sur un marché réglementé.
Ce dernier est défini à l'article L. 421-1 du Code monétaire et financier comme étant “un système multilatéral qui assure ou facilite la rencontre, en son sein et selon des règles non discrétionnaires, de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers sur des instruments financiers, d'une manière qui aboutisse à la conclusion de contrats portant sur les instruments financiers admis à la négociation dans le cadre des règles et systèmes de ce marché, et qui fonctionne régulièrement conformément aux dispositions qui lui sont applicables”. Il s'agit de marchés fortement contrôlés par l'autorité publique : ils sont reconnus par le biais d'un arrêté ministériel et doivent garantir le fonctionnement régulier des négociations. Les marchés réglementés sont gérés par une entreprise de marché qui prend la forme d'une société commerciale et dont la mission est définie par l'article L. 421-2 alinéa 2 du Code monétaire et financier. L'entreprise de marché effectue les actes afférents à l'organisation et l'exploitation de chaque marché réglementé qu'elle gère[27].
Les marchés réglementés sont en France Eurolist, le MONEP[28] et le MATIF[29]. L'entreprise de marché de ces marchés réglementés est Euronext Paris, membre d'un groupe multinational. La filiale française a été agréée pour exploiter les trois marchés réglementés français.
Le MONEP et le MATIF sont soumis aux Règles de marché d'Euronext, livre I, en particulier le chapitre 5 : Règles de négociation des instruments dérivés. Les Règles particulières applicables aux marchés réglementés français, livre II, prévoient, dans la partie II, les « Règles applicables au MATIF et au MONEP ». Celles-ci s'appliquent, en complément ou par dérogation, à celles du livre I[30]. Par convention, les transactions réalisées sur le MATIF et le MONEP sont compensées et garanties par la Banque centrale de compensation[31]. Des dispositions sont prévues en matière de production et d'exécution des ordres[32], de conditions de suspension du marché ou de restriction à la négociation[33].
L’entreprise de marché conclue la transaction, puis la chambre de compensation exécute la transaction. Concernant la chambre de compensation, et afin d'améliorer la transparence sur les marchés de produits dérivés et de réduire le risque systémique, le règlement EMIR[34] place les contreparties centrales, et donc les chambres de compensation, au cœur du processus de centralisation des marchés financiers. L'article L. 440-1, alinéa 1er, du Code monétaire et financier renvoie expressément au règlement EMIR pour la définition des chambres de compensation : il dispose que « Les chambres de compensation sont les contreparties centrales définies au 1 de l'article 2 du règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux ». Selon l'article 2, 1) du règlement, la contrepartie centrale est « une personne morale qui s'interpose entre les contreparties à des contrats négociés sur un ou plusieurs marchés financiers, en devenant l'acheteur vis-à-vis de tout vendeur et le vendeur vis-à-vis de tout acheteur ».
Le législateur met en conformité les dispositions relatives aux garanties remises à la chambre de compensation avec la directive sur les contrats de garantie financière, dite directive « collateral » du 6 juin 2002[35]. En effet, dès qu'il entre sur le marché, le donneur d'ordre est tenu au versement d'une obligation de couverture destinée in fine à la chambre de compensation. Cette obligation de couverture consiste dans un dépôt initial de garantie[36] et dans des appels de marges successifs, fixés par la chambre de compensation, pendant toute la durée du contrat financier. Ces appels de marge, déterminés par comparaison du cours du jour et du cours de la veille [37], correspondent à l'évolution du risque : si l'évolution du risque est favorable au donneur d'ordres, celui-ci reçoit des marges (il s'agit d'appels de marge négatifs) ; au contraire, si l'évolution du risque lui est défavorable, il devra verser les marges (il s'agit de marges positives). Ces sommes traduisent, tout au long de la vie de l'instrument financier, l'évolution du prix du contrat financier[38]. Cette couverture est, selon l’article L. 211-38 du Code monétaire et financier une garantie financière.
Maintenant que nous avons étudiez la réglementation relative aux marchés réglementés, nous concentrerons notre étude sur la réglementation des produits de gré à gré.
2.Les produits de gré à gré ; des contrats à terme non standardisés
Les accords de gré à gré reposent et fonctionnent exclusivement en suivant la loi des parties. Il n'y a pas d'entreprise de marchés ni aucun mécanisme de réglementation et de contrôle. Ils fonctionnent donc en suivant une analyse exclusivement contractuelle dans le cadre d'un rapport bilatéral.
Ces derniers peuvent plus aisément mettre en péril la stabilité du système financier. Ils ne sont conclus sur un marchés réglementé ou assimilé. Les parties ne sont donc pas obligées de garantir l’exécution de leurs obligations par un mécanisme de « collatéral[39] » semblable à celui qui s’impose sur les marchés réglementés de dérivés. Le risque peut alors exister qu’une institution financière défaillante dans l’exécution de ses obligations entraîne la défaillance de plusieurs autres institutions financières. Partant de ce postulat, le règlement européen n°648/2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux « EMIR[40] », publié au Journal Officiel de l’Union Européenne le 27 juillet 2012 et entré en vigueur le 16 août 2012 vise à rendre ces derniers plus sûrs et plus transparents. Il a été complété par des standards techniques, publiés au Journal officiel de l’Union européenne le 23 février 2013 et entrés en vigueur le 15 mars 2013. EMIR repose sur plusieurs principes[41]. Une obligation de compensation centrale de l’ensemble des dérivés négociés de gré à gré jugés par l’ESMA suffisamment liquides et standardisés. De ce fait, le risque de contrepartie sera intégralement transféré aux chambres de compensation. Un cadre juridique harmonisé au niveau européen destiné à assurer que les chambres de compensation respectent des exigences fortes en termes de capital, d’organisation, et de règles de conduite. Le recours à un ensemble de techniques d’atténuation des risques opérationnels et de contrepartie pour les contrats non compensés. Ainsi qu’une obligation de déclaration à des référentiels centraux de l’ensemble des transactions sur produits dérivés[42]. Le périmètre des produits couverts par EMIR concernant l’obligation de compensation et les techniques d’atténuation des risques sont tout dérivé de gré à gré (i.e. tout instrument financier dérivé au sens de la directive MIFID, dès lors que son exécution n’a pas lieu sur un marché réglementé).Le périmètre concerne également les dispositions applicables aux contreparties centrales : tout instrument financier. Le périmètre concernant enfin la déclaration aux référentiels centraux sont tout contrat dérivé, aussi bien de gré à gré que négocié sur un marché réglementé. La question de l’efficacité de ces règles européennes se posent, notamment pour les instruments dérivés complexes[43].
Concernant surtout l’obligation de compensation centrale ; la mise en œuvre d'une obligation de compensation centrale généralisée des contrats dérivés OTC implique que les parties à ces contrats transfèrent des actifs à titre de garantie en réponse aux appels de marge qui leurs seront adressés par les chambres de compensation. En effectuant des appels de marge réguliers auprès de chaque partie, à l'instar de ce qui se fait notamment sur les marchés dérivés réglementés, les chambres de compensation seront en mesure de garantir à chaque partie l'exécution par sa contrepartie de ses obligations. La mise en œuvre d'une obligation de compensation centrale permet ainsi aux parties aux contrats dérivés OTC de neutraliser le risque de contrepartie qu'elles ont l'une envers l'autre.
L'obligation de compensation est imposée dans le but de lutter contre le risque de système[44]. Mais les contreparties centrales vont devenir des « nœuds systémiques » de plus en plus importants, à mesure que leur rôle va s'accroître. Il ne faut pas le perdre de vue : une contrepartie centrale peut faire défaut dans l'exécution de ses obligations. Et elle fera défaut demain avec des conséquences systémiques beaucoup plus lourdes qu'aujourd'hui, puisque tout le flux des dérivés de gré à gré a vocation à migrer vers les contreparties centrales. Pour l'éviter, l'obligation de compensation est indissociable de l'adoption d'un cadre réglementaire sur les activités de « post-marché » ayant pour objet de garantir la « robustesse » des contreparties centrales[45].
Après une classification des instruments dérivés faites en fonction des modalités de négociation du contrat, nous allons classifier en fonction de la nature des obligations contractuelles.
B. Classification en fonction de la nature des obligations contractuelles
On peut ensuite distinguer les marchés de financement et les marchés de dérivés. Les premiers sont ceux qui permettent aux entreprises de trouver des fonds pour leur création, leur fonctionnement et leur développement. Les seconds, que l'on nomme également marchés de produits dérivés[46], servent à se prémunir contre les risques financiers. Sur les marchés de produits dérivés, se trouvent quatre situations différentes en fonction de la nature des obligations contractuelles, dont trois permettent de couvrir le risque de change et de taux[47] ; les produits dérivés fermes et optionnels (1) et les contrats d’échange (2).
1.Les produits dérivés fermes ou optionnels
La couverture est la fonction première des contrats à terme. Elle consiste, pour un opérateur, à se protéger contre le risque de variation future du prix d'un actif ou de conditions de taux d'intérêt ou de change. Elle peut être assurée par un contrat à terme ferme ou optionnel. L'obligation pesant sur l'opérateur de payer le prix ou de livrer le sous-jacent devra nécessairement être exécutée, sous réserve de la possibilité de clore la position en concluant un contrat en sens inverse. Tel est le cas des contrats à terme ferme, lesquels constituent, selon les règles de marché, l'engagement, à un prix et à une date déterminés. Il s’agira pour l'acheteur de prendre livraison et de régler l'actif sous-jacent. Il s’agira pour le vendeur de livrer et de recevoir le règlement de l'actif sous-jacent.
L'exécution du contrat peut toutefois se réaliser autrement que par la livraison de l'actif sous-jacent, ce qui s'impose d'ailleurs toutes les fois que ce dernier, parce qu'il est fictif, ne peut être physiquement livré. En effet, le contrat peut être dénoué par le paiement d'une différence entre le prix auquel il a été négocié et le cours de liquidation en vigueur au moment du dénouement. Parmi les contrats à terme ferme on distingue usuellement les contrats sur actifs financiers, qui portent sur des sous-jacents financiers ; les contrats sur devises ; les contrats sur taux d'intérêt, qui permettent à leur souscripteur de se couvrir contre le risque de variation des taux d'intérêt ; les contrats sur indices, qui permettent à leurs souscripteurs de se couvrir contre les risques de variation des cours ; enfin les contrats sur marchandises[48].
Dans d'autres cas, le dispositif repose sur un mécanisme d'option. Le contrat d'option d'achat ou de vente d'un actif sous-jacent est défini par les règles de marché comme le contrat par lequel l'acheteur de l'option obtient du vendeur, moyennant le paiement d'une prime, le droit, mais non l'obligation, d'acquérir[49] ou de vendre[50] une quantité déterminée de l'actif sous-jacent, à un prix convenu d'avance (qui est celui pratiqué sur le marché à terme ferme lors de la conclusion du contrat), dit « prix d'exercice », au cours d'une période ou à une date déterminée. Seul l'acheteur de l'option[51] dispose de cette possibilité de conclure ou non le contrat définitif ; le vendeur est pour sa part irrévocablement engagé[52].
Après avoir observé que ce qu’était les produits dérivés fermes et optionnels, étudions dès lors les contrats d’échange.
2.Les contrats d’échange[53]
Économiquement, un swap constitue un échange de flux financiers entre deux entités, pendant une certaine période de temps, dont le quantum est calculé à partir d'un montant de référence appelée « notionnel »[54]. Les flux financiers échangés portent sur des sous-jacents de natures très différentes : devises (dans le cadre d'un swap de change) et conditions de taux d'intérêt (dans le cadre d'un swap de taux) sont les variétés les plus communément retrouvées dans la gestion des entreprise[55]. Chaque contrat de swap s'inscrit dans un cadre contractuel relativement standardisé formé de plusieurs conventions liées qui constituent un ensemble contractuel. Une convention-cadre standard est en premier lieu conclue entre le prestataire de services d'investissement et l'entreprise cliente. Cette convention-cadre régit les relations entre les parties concernant notamment la conclusion des contrats d'application, les paiements et livraisons, les déclarations des parties, les résiliations des transactions, le calcul et le paiement du solde de résiliation, les retards de paiement. Il s'agit toujours de modèles publiés par un organisme spécialisé[56].
Parmi les différents types de conventions-cadre disponibles, les entreprises françaises choisissent le plus souvent la convention-cadre proposée par la Fédération Bancaire Française, qui a notamment pour avantage d'être rédigée en langue française, d'être soumise au droit français et de prévoir la compétence des tribunaux du ressort de la Cour d'appel de Paris.
Aux côtés de la Convention-cadre FBF, une annexe permet aux parties d'apporter les amendements qu'elles jugent utiles pour l'adapter à leurs besoins spécifiques[57].
Chaque transaction conclue entre les parties fait ensuite l'objet d'une confirmation qui en précise les caractéristiques : sous-jacents de référence, montant du notionnel, date de commencement, dates des paiements, date d'échéance, définition des échanges, etc.
Après avoir classifié les instruments financiers à terme, voyons désormais le régime dérogatoire protecteur de l’exécution de ces derniers.
II. Le régime protecteur de l’exécution des contrats dérivés
Nous verrons si les instruments financiers peuvent jouer le rôle d’assurance (A) et de quel régime dérogatoire du droit commun des procédures collectives ils bénéficient (B).
A. Les instruments financiers à terme, des « paris » ou des assurances ?
Les produits dérivés sont exclus du champ d’application de l’exception de jeu de l’article 1965 (1), et selon une partie de la doctrine, peuvent jouer le même rôle qu’une assurance (2).
1.Dérogation aux exceptions de jeux et de nullité
Le régime des contrats financier est succinct puisqu’il se limite à un article unique écartant en la matière l’exception de jeu[58]. En effet, l'article L. 211-35 du Code monétaire et financier dispose que les contrats financiers sont exclus du champ d’application de l’exception de jeu de l'article 1965 du Code civil, lequel prévoit que « la loi n’accorde aucune action pour une dette de jeu ou pour le paiement d’un pari . Selon la doctrine, le « pari » se définit comme « comme une convention par laquelle deux personnes ou plusieurs, qui sont d’avis contraire sur un sujet économique, conviennent que celles dont les opinions seront reconnues fondées recevront des autres une somme d’argent ou un objet déterminé [59]». En raison, des fluctuations des taux de change et de taux des marchés, les contrats financiers peuvent être conclus à des fins exclusivement spéculatrices, dès lors ils seront considérés comme aléatoires puisque le gain ou la perte dépendra de l’évolution favorable ou non de ce marché[60].
Surabondamment, l'article L. 211-35 du Code monétaire et financier rappelle qu'il importe peu que ces contrats se résolvent par le paiement d'une simple différence. En effet, la liste de l'article D. 211-1 A, précise déjà que ces contrats pourront donner lieu à un règlement en espèces ou au paiement d'un différentiel. Il s'agit d'une survivance de l'ancienne définition de la loi de 1885 des marchés à terme où le législateur avait dû prendre en compte les contrats ne donnant pas lieu à livraison physique des titres ou autre sous-jacent. En revanche, l'exception à l'exception n'est pas applicable aux instruments financiers donnant lieu à livraison physique de l'article L. 211-36, II[61].
Voyons désormais si les produits dérivés peuvent jouer le même rôle qu’une assurance.
2.Les contrats dérivés, une assurance ?
Les opérations d'assurance relèvent du monopole des entreprises d'assurance qui reçoivent à cette fin un agrément spécifique délivré par le Comité des entreprises d'assurance[62]. Les opérations accomplies en violation de ce monopole par des personnes non agréées sont passibles de sanctions pénales et de nullité sur le plan civil[63]. La notion d'opération d'assurance ne fait pas l'objet d'une définition légale. La doctrine la caractérise à partir de trois, voire quatre critères cumulatifs[64] ; le risque, la prime, l'indemnité et la gestion mutualisée. La prime est payée par l'assuré en contrepartie de l'engagement de l'assureur de lui payer l'indemnité en cas de réalisation du risque. À ces trois critères qui se rattachent au contrat, il convient d'ajouter celui de la mutualisation du risque. La mutualisation est le fait pour l'assureur de garantir une multitude d'assurés exposés à un risque donné, au moyen d'une masse commune de primes, déterminées en fonction des probabilités statistiques de réalisation de ce risque.
Il existe, certes, des similitudes entre certains instruments financiers à terme et les opérations d'assurance. Toutefois, plusieurs critères permettent de distinguer les deux notions. Le plus pertinent est sans doute celui du mode de gestion du risque. Ainsi, l'opération d'assurance donne lieu à une mutualisation du risque qui est gérée sur une masse globale en fonction de données statistiques. L'instrument financier à terme, en revanche, est en principe une opération unique qui peut, certes, assurer la couverture d'un risque mais sans que celle-ci donne lieu à mutualisation.
À cette première distinction, il convient d'ajouter celui de l'intention des parties. L'instrument financier à terme et l'opération d'assurance peuvent obéir à une motivation commune lorsque le premier vise un objectif de couverture. Cependant, les instruments financiers à terme peuvent aussi correspondre à des motivations spéculatives. Celles-ci sont totalement étrangères à la notion d'opération d'assurance où l'indemnité ne correspond pas à un gain mais à la réparation d'un préjudice subi lors de la réalisation du risque[65].
B. Les mécanismes de sûretés et de garantie des contrats dérivés
Les problèmes de l’exécution des contrats dérivés est essentiellement celui du risque de contrepartie, c'est-à-dire de défaillance du cocontractant. Il est principalement réglé par le mécanisme conventionnel de résiliation-compensation et de garantie (1). Par ailleurs, pour se protéger contre le risque de l'inexécution des dérivés, la pratique peut en principe recourir à certaines garanties de paiement (2).
1. Les contrats d’échange à l’épreuve du droit des procédures collectives
Lorsque l’une des contreparties d’un swap se trouve défaillante, la Convention cadre de la Fédération Bancaire Française de 2007[66] prévoit, par l’une de ses clauses, la possibilité pour l’autre contrepartie de se délier de son engagement. C’est notamment cette même clause qui va énoncer les cas de défaillances susceptibles de donner lieu à son application. Cette clause, qui était déjà présente dans des conventions antérieures se retrouve également dans le modèle ISDA. Le problème inhérent à cette clause réside dans sa contradiction avec les principes des procédures collectives. Le Code de commerce prévoyant, d’une façon large, une interdiction de poursuites et notamment les actions en paiement et en résolution lors de l’ouverture d’une procédure collective. La solution est apportée, pour partie, par l’article L.211-36-1 du Code monétaire et financier prévoyant un régime d’exception. Ainsi, les contrats de swap sont-ils résiliables et les dettes ou créances y afférant compensables en un solde unique[67]. Or, l’article L.211-40 du même Code prévoie quant à lui que « les dispositions du livre IV du Code de commerce, ou celles régissant toutes procédures judiciaires ou amiables équivalentes ouvertes sur le fondement de droit étranger, ne font pas obstacle à l’application des dispositions de la présente section ».De fait, on ne prend pas en compte les règles des procédures collectives et l’on se rabat automatiquement sur les modalités de traitement de l’insolvabilité contenues dans les conventions. Il faut alors noter que ces modalités ne doivent pas nécessairement être prévues par ladite convention, l’article L.211-36-1 prévoyant que ce peut être « notamment prévu » par une convention.
Partant du postulat que les règles des procédures collectives ne peuvent faire obstacles aux dispositions de la section contenant les articles suscités[68]. Il s’agit alors de distinguer selon que la contrepartie non défaillante souhaite ou non continuer le contrat. Du fait de la combinaison des articles L.211-40 et L.211-36-1 du CMF, l’article 7.1 de la Convention-cadre de la FBF (Fédération bancaire française) de 2007 trouve à s’appliquer en cas de procédure collective. Il offre à la contrepartie non défaillante la possibilité de provoquer la résiliation des contrats de swaps en cas de défaillance contractuellement prévue. Il existe une possibilité de résilier pour « toute procédure de prévention ou de traitement de l’efficacité de l’entreprise »[69]. Cependant, concernant la conciliation et le mandat ad hoc, ceux-ci peuvent être confidentiels et il ne serait donc pas nécessairement possible à la contrepartie non défaillante de résilier à défaut d’être au courant de ladite procédure. Ainsi est-il possible de considérer que seules sont concernées les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation.
La contrepartie non défaillante possède alors le choix de maintenir les contrats en cours tant que les échéances sont susceptibles d’être honorées ou bien d’utiliser la faculté prévue par la clause vue précédemment et permettant, d’une part, de suspendre ses paiements et, d’autre part, de résilier l’ensemble des contrats conclu en application de la convention cadre.
Concernant l’exercice de ce droit de résiliation, la convention-cadre FBF prévoit expressément que l’absence d’exercice immédiat de la faculté de résiliation ouverte à la partie non défaillante ne constitue pas une renonciation à l’exercice de ce droit[70]. En outre, si la résiliation survient après le jugement d’ouverture mais en raison de la procédure collective la contrepartie non défaillante devra restituer les sommes versées depuis l’ouverture de la procédure collective, la résiliation venant rétroagir à la date d’ouverture de la procédure. Cependant, le fait de demander la résiliation pour un défaut de paiement effectif postérieur à l’ouverture de la procédure on dispose d’un nouveau fondement distinct[71]. Ainsi, il est donné à la contrepartie non défaillante de poursuivre ou non le contrat lorsqu’une procédure collective survient et cela en dépit des règles relatives à ces mêmes procédures et présentes dans le Code de commerce. Cependant le choix de résilier un tel contrat en raison de la procédure sera toujours considéré comme effectif au jour du jugement d’ouverture quand bien même il surviendrait a posteriori de ce dernier[72]. Pour pouvoir mettre en œuvre le mécanisme de résiliation prévu par la convention-cadre FBF il est nécessaire d’avoir notification par tout moyen de l’inexécution de paiement puis, passé un délai de 3 jours courant à compter de cette notification, il sera possible de résilier le contrat. Si la contrepartie non défaillante ne choisit expressément ni de continuer, ni de résilier le contrat, ce sera alors à l’administrateur judiciaire de prendre cette décision.
Après avoir vu que les contrats d’échange étaient dérogatoires du droit des procédures collectives, étudions désormais les garanties d’atténuation des risques pour les contrats non compensés.
2.Les garanties d’atténuation des risques pour les contrats non compensés
Protégées par les mécanismes de résiliation et de compensation, sans entrave au droit des procédures collectives, les parties peuvent garantir le paiement du solde issu de la compensation de leurs obligations financières[73]. L’ordonnance du 24 février 2005[74] a introduit des mesures de clarification et de simplification des contrats de garanties, avec ou sans transfert de propriété, pour faciliter notamment la réutilisation des biens affectés en garantie ou la substitution de garanties. Ces dispositions figurent aux articles L. 211-38 et L. 211-39 du Code monétaire et financier. Pour autant la difficulté réside cependant ici dans le fait que le risque de contrepartie né des dérivés est indéterminé – en ce que le résultat définitif d'un tel contrat, en termes de gain ou de perte, dépend des variations de valeur du sous-jacent – et alternatif, puisque ce même résultat est en variation constante au cours de l'exécution du contrat. Comme le fait observer le Professeur Gaudemet, les garanties prises pour l'exécution des dérivés doivent donc pouvoir faire l'objet d'un ajustement périodique, voire être affectées alternativement à la protection d'une partie puis de l'autre. Les praticiens ont développé sous le nom de « collatéral » des garanties réelles originales, qui font une large place à la technique fiduciaire et aux mécanismes d'ajustement de l'assiette. En effet, afin de protéger une contrepartie à un contrat dérivé de gré à gré non compensé de manière centrale contre le risque potentiel de défaillance de l'autre contrepartie, les parties ayant conclu ce type de contrat doivent échanger bilatéralement des marges initiales et des marges de variation. Le règlement délégué (UE) 2016/2251, publié au Journal Officiel de l’Union européenne le 15 décembre 2016, précise les méthodologies à utiliser pour leur calcul, ainsi que les critères d’éligibilité et de diversification que le collatéral doit respecter.
Deux types de garantie[75], qui consistent en l’échange d’actifs, sont nécessaires pour bien gérer ce risque. Il s’agit de la marge initiale, qui protège les contreparties contre les pertes potentielles pouvant résulter des fluctuations de la valeur de marché des contrats pendant le laps de temps nécessaire pour liquider les positions ou les remplacer, en cas de défaut de la contrepartie. Il s’agit ensuite de la marge de variation, qui protège les contreparties contre les expositions liées à la valeur de marché courante de leurs contrats dérivés de gré à gré[76]. Enfin une autre forme de protection de l'exécution des dérivés peut évidemment résulter de l'intervention de professionnels de qualité, soumis à un agrément administratif et à une réglementation de type prudentiel.