Monnaie électronique vs monnaie virtuelle
L’essentiel :
L’irruption du numérique dans l’économie a considérablement affecté les modes de paiement et la monnaie elle-même. En
effet, les monnaies électroniques et virtuelles se sont développées depuis quelques années et se présentent comme une alternative aux monnaies classiques.
La crise financière ayant ébranlé la confiance des citoyens dans le système bancaire et financier, ces nouveaux types de monnaies ont eu un succès croissant. Parmi les monnaies virtuelles, la plus connue est le Bitcoin, créé en 2009 par Satoshi Nakamoto.
Ces monnaies, se développant en parallèle du système bancaire, doivent être encadrées par les institutions bancaires européennes. Depuis les années 2000, le cadre juridique de ces nouvelles monnaies tend à se préciser tant du point de vue de leur nature que du régime dont elles relèvent.
C’est ainsi
qu’il s’est posé la question de la nature juridique de ces nouvelles formes de
monnaies et des risques qu’impliquent leur régime juridique respectif au regard
du système bancaire.
En effet,
la monnaie virtuelle correspond davantage à une nouvelle forme juridique de
monnaie que la monnaie électronique qui ne constitue qu’un nouveau moyen de
paiement. Ainsi, chacune se voit appliquer un régime juridique différent ce qui
implique plus ou moins de risques en comparaison avec ceux existants dans le
cadre du système bancaire.
In brief :
The
introduction to digital economics has significantly affected the payment
methods and the currency itself. Electronic and virtual currencies have
developed in recent years and present themselves as an alternative to official
currencies. As the financial crisis has shaken citizens trust in the banking
and financial system, this new type of currency has significantly increased.
Among these virtual currencies, the Bitcoin created in 2009 by Satoshi Nakamoto
is the most popular. These currencies, continuously developing parallel to the
current banking system, must be supervised by European banking institutions.
Since the 2000s, the legal framework of these new currencies has become more
precise both in terms of their nature and the regime to which they belong.
Thus, it raised the question of the legal nature of these new forms of currency
and the risks involved in their respective legal systems regarding the banking
system. In fact, the virtual currency corresponds more to a new legal form of
money than electronic money, which is only a new means of payment. Thus, each
one gives a different legal regime which implies more or less risk in
comparison with those existing in the banking system.
Introduction :
En décembre 2017, le cours du Bitcoin a dépassé le seuil des 16 000 dollars. Il représentait approximativement un tiers du marché des
crypto-monnaies. Puis il s’est effondré en janvier
dernier, passant en dessous de la barre symbolique des 10 000 dollars. Ces chiffres illustrent d’ores et déjà l’ampleur et l’évolution vertigineuse de cette nouvelle monnaie qualifiée de monnaie virtuelle.
L’encadrement de la monnaie dite classique est soumis à la
réglementation du système bancaire. La monnaie est définie comme un instrument légal des paiements pouvant avoir, suivant les systèmes monétaires, une base métallique ou une base fiduciaire[1]. En effet, il existe différents
types de monnaies : la monnaie fiduciaire, un moyen de paiement constitué par des billets de banque ou des pièces métalliques, et la monnaie scripturale, un moyen de paiement constitué par les dépôts à vue dans les banques ou aux chèques postaux[2]. L’évolution de la monnaie s’est ainsi faite en trois phases avec la monnaie métallique ou en argent, la monnaie fiduciaire et la monnaie scripturale. Cette évolution ne s’est pas arrêtée à ce point puisque depuis les années 2000 deux nouveaux types de monnaies ont
été introduites : la monnaie électronique et
la monnaie virtuelle.
Par
ailleurs, un moyen de paiement doit présenter certaines caractéristiques pour
être qualifié de « monnaie ». Il existe trois différentes fonctions de la
monnaie. Tout d’abord, la monnaie doit avoir une fonction d’unité de compte. En
effet, la monnaie est « une unité de compte qui sert à apprécier la valeur
des services et des choses dont on a besoin, indépendamment de sa
matérialisation par son incorporation dans un support »[3].
Ensuite, la monnaie doit avoir une fonction de moyen de paiement. Le paiement
se traduit par la remise de la somme, soit avec des espèces, soit par l’inscription
sur le compte bancaire du créancier du montant de la somme d’argent due. Le
paiement s’effectue alors au moment du transfert des unités monétaires
contenues dans le patrimoine du débiteur vers celui du créancier. Ces unités
monétaires qui sont incorporées dans des instruments monétaires vont circuler à
l’aide de moyens de paiement. Enfin, la monnaie doit avoir une fonction
d’incorporation dans un instrument monétaire[4].
Ces trois caractéristiques conduisent à s’interroger sur le point de savoir si la monnaie
électronique et la monnaie virtuelle constituent chacune une nouvelle forme juridique de monnaie ou s’il s’agit d’une nouvelle manière de gérer la monnaie scripturale.
Le développement des nouveaux moyens de paiement a permis l’émergence des monnaies électroniques et virtuelles. La monnaie électronique est définie comme une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique[5]. En parallèle, la monnaie virtuelle est définie comme une monnaie numérique non régulée, dont l’émission est habituellement contrôlée par ses développeurs, utilisée et acceptée parmi les membres d’une communauté virtuelle donnée. Du point de vue de sa définition, la monnaie électronique tend à se rapprocher des monnaies classiques[6] puisqu’elle est considérée
comme un
moyen de paiement. A l’inverse, la qualification juridique de la monnaie virtuelle n’est pas déterminée de
manière précise puisque cette monnaie s’est développée à la marge du système bancaire. Ainsi, il est possible de nourrir une inquiétude profonde en ce
qui concerne les monnaies virtuelles en raison de l’absence d’un cadre légal
approprié. Les promoteurs de cette monnaie croient à l’avènement d’un monde
dans lequel la circulation monétaire se ferait sans la mainmise de l’Etat. Cette
conception est rattachée à une philosophie libertarienne et anarchiste. Les
paiements au sein de cette société se feraient alors directement d’un agent à
un autre sans devoir recourir au système bancaire ou à la monnaie publique.
La
commission des finances du Sénat a organisé deux auditions successives le 7
février 2018 sur la blockchain et les monnaies virtuelles. Celles-ci ont permis
aux diverses parties présentes de donner leurs points de vue sur ces deux
sujets. En effet, la directrice des systèmes de paiement et des infrastructures
de marché à la Banque de France a précisé qu’il fallait parler de
« crypto-actifs » et non de monnaie virtuelle dans la mesure où ces
actifs, bitcoin et ether, ne sont pas
de la monnaie. Elle rappelle également que monnaie virtuelle comporte de
nombreux risques pour leurs utilisateurs notamment le risque spéculatif,
le financement d’activités criminelles, le cyber-risques et le risque sociétal
et environnemental. Par ailleurs, certaines actions seront menées par la Banque
de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution afin de prendre
en compte les différents risques, encourager une réflexion commune sur ce sujet
et analyser l’impact potentiel des crypto-actifs sur la stabilité financière[7].
En effet, les institutions bancaires avaient un monopole pour contrôler et réguler l’émission de la monnaie. En revanche, l’usage d’internet par la population mondiale et les conséquences de cet usage sur l’économie réelle a permis de constater l’apparition de nouveaux acteurs dans la régulation monétaire[8].
La distinction entre la monnaie
électronique et la monnaie virtuelle au regard du système bancaire est intéressante puisqu’une éventuelle évolution des acteurs de régulation monétaire permettrait d’encourager et de simplifier les transferts de fonds au sein de l’économie réelle. Les établissements de crédit ne seraient plus les seuls acteurs
dans l’émission de la monnaie. En revanche, ce développement croissant introduit de nouveaux risques puisqu’il favoriserait l’usage des monnaies virtuelles à des fins frauduleuses notamment de blanchiment[9].
La question
est la suivante : Dans quelle mesure les monnaies électroniques et
virtuelles concurrencent-elles le système bancaire ?
Le système bancaire se trouve
concurrencé dans une certaine mesure du fait de l’émergence de nouvelles formes
de monnaie (I) dont le régime juridique implique des risques plus ou moins
importants au regard de ce système (II).
I.
Le
système bancaire à l’épreuve de nouvelles formes de monnaie
La
monnaie virtuelle correspond à une nouvelle forme juridique de monnaie en marge
du système bancaire et financier (A) contrairement à la monnaie électronique
qui ne constitue qu’un nouveau moyen de paiement (B).
A.
La monnaie virtuelle à la marge du système
bancaire
Diverses
institutions de contrôle monétaire et financier ont pris position depuis le
début de l’année 2014 sur la nature des monnaies virtuelles et des risques
qu’elles sont susceptibles d’introduire dans les transactions monétaires[10].
1.
L’absence d’une qualification juridique précise de la monnaie
virtuelle
En effet,
pour définir la monnaie virtuelle le rapport d’octobre 2012 de la Banque
centrale européenne établit ce que les monnaies virtuelles ne sont pas. Tout
d’abord, la monnaie virtuelle doit être distinguée de la monnaie électronique.
La monnaie virtuelle n’a pas la même définition que la monnaie électronique, transposée
à l’article L 315-1 du code monétaire et financier[11],
puisqu’elle ne représente pas une créance sur l’émetteur et n’est pas émise
contre remise de fonds. La monnaie électronique, quant à elle, conserve un lien
fort avec la monnaie traditionnelle puisqu’elles sont toutes deux exprimées
dans une même unité de compte et sont gagées sur un actif.
Par
ailleurs, la monnaie virtuelle ne repose que sur une convention entre ses
utilisateurs et n’a pas de cadre juridique élaboré par une institution tierce.
Ils sont ainsi les seuls acteurs de la monnaie virtuelle[12].
A l’inverse, les échanges réalisés au moyen de la monnaie électronique
s’inscrivent dans un cadre juridique contraignant, élaboré par des institutions
publiques de contrôle et mise en œuvre par des intermédiaires financiers. La
création de la monnaie électronique reste donc soumise aux privilèges des
établissements bancaires ou de crédit assujettis aux règles d’émission et de
fonctionnement.
De plus, la
Banque de France a souligné dans un rapport de 2013 que « la monnaie
virtuelle ne répond pas non plus à la définition d’un moyen de paiement au sens
du code monétaire et financier ». Les monnaies virtuelles ne sont pas non plus
des instruments de paiement tels que définis par l’article L 133-4 du code
monétaire et financier. En revanche, elles peuvent simplement en remplir la
fonction économique[13].
Ensuite, la
monnaie virtuelle doit être distinguée de la monnaie ayant cours légal[14].
En effet, l’article L 111-1 du code monétaire et financier prévoit que la seule
monnaie ayant cours légal en France est l’euro. Cela signifie que l’euro est la
seule monnaie que les différents opérateurs économiques sont contraints
d’accepter. Elle a donc un caractère libératoire. En revanche, différentes
institutions bancaires européennes ont soulignées que les monnaies virtuelles
n’offraient aucune garantie de remboursement et qu’elles ne peuvent être
qualifiées de monnaie ayant cours légal dans la mesure ou il est possible de
les refuser en paiement[15].
Donc, même
si l’on peut considérer que la monnaie virtuelle n’est ni de la monnaie ayant
cours légal, ni de la monnaie électronique, ni un moyen de paiement, la
question de la nature de la qualification juridique de la monnaie virtuelle
reste en suspens. L’autorité des marchés financiers a suggéré quelques pistes
en indiquant que la monnaie virtuelle pouvait être définie comme un produit
bancaire, un bien assimilable à une marchandise ou un bien divers au sens de
l’article L 151-1 du code monétaire et financier[16].
Par
conséquent, cette absence de qualification de la nature juridique de la monnaie
virtuelle montre que celle-ci existe en dehors de tout encadrement
institutionnel et juridique. La création de cette nouvelle monnaie peut ainsi
apparaître comme une perturbation à l’égard du système bancaire[17].
2.
Les différents types de monnaies virtuelles
Après avoir
distingué la monnaie virtuelle des autres types de monnaie, la Banque centrale
européenne propose une définition générale de la monnaie virtuelle. Elle
définit la monnaie virtuelle comme « une
monnaie numérique non régulée, dont l’émission est habituellement contrôlée par
ses développeurs, utilisée et acceptée parmi les membres d’une communauté
virtuelle donnée »[18].
La monnaie virtuelle se présente comme une alternative future aux monnaies
dites « classiques » puisqu’elle ne rentre dans aucune catégorie juridique
définie par les établissements bancaires ou de crédit. La Commission européenne
l’a définie comme « une
représentation numérique d'une valeur qui n'est émise ni par une Banque
centrale ni par une autorité publique et qui ne sont pas nécessairement liées
non plus à une monnaie à cours forcé »[19].
La Banque centrale
européenne distingue trois types de monnaies virtuelles différentes[20].
La première est la monnaie virtuelle fermée qui est habituellement
utilisée dans les jeux vidéo. Cette monnaie ne peut être dépensée que dans une
communauté virtuelle bien précise et ne peut être convertie en monnaie légale.
Il n’existe en réalité aucun lien avec l’économie réelle. Seuls des biens ou
services virtuels peuvent être acquis par son biais[21].
La seconde
est la monnaie virtuelle avec un flux unidirectionnel. La monnaie peut être ici achetée directement avec de la devise
légale, à un taux de change défini, mais ne peut être reconvertie en monnaie
légale. Elle permet à la fois d’acheter des biens et services virtuels ou des
biens ou services réels[22].
Il s’agit essentiellement de systèmes de micropaiement.
La
troisième est la monnaie virtuelle avec un flux bidirectionnel. Dans ce cas de figure, les utilisateurs peuvent convertir leur
monnaie virtuelle en monnaie légale. Il existe à la fois un cours d’achat de
monnaie ainsi qu’un cours de revente. L’exemple le plus connue est celui du
Bitcoin. Celle-ci fait partie de la catégorie des monnaies virtuelles et
utilise le protocole que l’on appelle « peer
to peer » c’est à dire un échange direct et décentralisé entre internautes
sous une forme cryptée.
3.
Les conséquences de la monnaie virtuelle sur le système bancaire
La
diversité et la prolifération de ces monnaies virtuelles aura pour conséquence
de multiplier les sources de la création monétaire et de pleinement
concurrencer la monnaie publique[23].
En effet, l’idée d’une monnaie « privée » ou indépendante de tout
pouvoir étatique n’est pas en elle-même radicalement nouvelle mais l’émergence
d’une nouvelle monnaie en marge du système bancaire peut créer de nouveaux
risques. C’est pour cette raison qu’un constat arrêté en juin 2014 a formulé
des recommandations afin de construire un cadre permettant de prévenir et
dissuader l’usage des monnaies
virtuelles
à des fins frauduleuses ou de blanchiment[24].
Certes, l'émergence de ces nouvelles monnaies semble ouvrir la voie à une
certaine remise en cause du système bancaire hiérarchisé mais l’organisation
des paiements et des acteurs évoluent au fur et à mesure du temps. Ces
transformations deviennent alors inéluctables et significatives pour notre
société actuelle. Certains auteurs considèrent que le droit n’est pas
exclusivement celui de l’Etat mais il peut être produit par d’auteurs sources
notamment des sources non étatiques[25].
Dans un
rapport de la Banque de France de 2015, celle-ci considère que ce développement
doit présenter un certain nombre de garanties notamment en termes de stabilité
et de sécurité. Par conséquent, l’encadrement des monnaies virtuelles serait le
seul moyen pour les institutions bancaires européennes de réguler et de
contrôler l’émergence de ce nouveau phénomène[26].
Par
conséquent, la monnaie virtuelle constitue une nouvelle forme de monnaie qui
s’est développé à la marge du système bancaire. Ce développement a eu pour
conséquence de concurrencer les établissements bancaires. A l’inverse, la
monnaie électronique est quant à elle considérée comme un simple moyen de
paiement.
B.
La
qualification de la monnaie électronique limitée à un nouveau moyen de paiement
1.
Introduction
de la monnaie électronique et des établissements de ME
Le
développement du commerce électronique, notamment dans le cadre de la loi du 21
juin 2004[27], entraîne
un recours fréquent au nouveau moyen de paiement que constitue la monnaie
électronique. Ses principales caractéristiques sont d’une part d’être
entièrement dématérialisée et d’autre part de ne pas nécessiter l’existence
d’un support papier.
C’est
la directive n°2000/46/CE[28]
qui introduit dans la législation communautaire la notion d’instrument
de
monnaie électronique. Elle a ensuite été remplacée par la directive n°2009/110/CE[29]
qui complète la directive générale sur les services de paiement n°2007/64/CE[30].
L’objectif de ces directives était de faciliter l’accès au marché pour les
nouvelles entreprises et d’encourager une véritable concurrence entre tous les acteurs
du marché.
La définition
de la monnaie électronique posée par la directive n°2000/46/CE a été reprise,
mais davantage précisée, par la directive n°2009/110/CE comme « une valeur monétaire qui est stockée sous
une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise
de fonds aux fins d’opérations de paiement (…) et qui est acceptée par une
personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique ».
Cette définition de la monnaie électronique couvre ainsi le porte-monnaie
électronique et la monnaie réseau.
Le
porte-monnaie électronique (PME) fait référence aux cartes à circuits intégrés,
multi-usages, rechargeables, stockant une valeur monétaire sur des supports
dont les détenteurs sont propriétaires, et ainsi détachés des comptes
bancaires. L’effacement du compte et l’intégration des unités de monnaie
électronique dans un objet électronique constitue ainsi la nouveauté sur le
plan juridique.
Concrètement,
le client d’un établissement de crédit remet à celle-ci une somme d’argent et,
en contrepartie, elle charge sur le porte-monnaie électronique du bénéficiaire
des unités. Quand celui-ci souhaite effectuer un paiement, il transfère à son
créancier des unités. Ce dernier demandera alors à l’établissement de crédit de
lui convertir ces unités.
Ainsi,
le risque d’une absence ou d’une insuffisance de provision est écarté, puisque
l’établissement de crédit ne procèdera au chargement du porte-monnaie que si le
compte du client était au préalable provisionné. Contrairement au paiement en
espèces, la monnaie électronique reçue par le créancier ne peut être
réutilisée. En effet, celle-ci doit être convertie et donc reversée sur le
compte bancaire du bénéficiaire.
Quant
à la monnaie réseau, il s’agit d’une forme de monnaie électronique qui, grâce à
des logiciels spécialisés intégrés aux ordinateurs, peut être transférée pour
s’acquitter des paiements via internet.
Il
peut s’agir d’une carte bancaire virtuelle, correspondant à un numéro de carte
à usage unique permettant un débit sur compte bancaire et ce sans l’usage de la
carte bancaire. Exemples : E-carte bleue (Banque Populaire,
Société Générale, etc) et banques en ligne (Axa Banque, Fortuneo
etc).
Il
existe également des cartes prépayées, réservées aux petites sommes et
chargées d’un montant déterminé lors de leur achat sur internet ou dans des
points de vente locaux (buralistes), ou encore des supports en ligne, par
souscription à un service comme Paypal, permettant de n’utiliser les
informations bancaires qu’une seule fois, lors de l’inscription. Il est ensuite
possible de payer en ligne sans avoir à
utiliser
ses coordonnées bancaires, à condition que le site vendeur propose ce type de
paiement.
Force
est de rappeler que la directive n°2009/110/CE a été transposée en droit
français par la loi du 28
janvier
2013[31].
C’est ainsi que l’article L.315-1 du Code monétaire et financier[32]
reprend la définition de la monnaie électronique prévue par la directive
susvisée, dont les émetteurs sont les établissements de
monnaie
électronique ainsi que les établissements de crédit au terme de l’article
L.525-1 du Code monétaire et financier[33].
En
effet, la directive n°2000/46/CE[34]
a également créé un statut d’établissement de monnaie électronique, qui vient
concurrencer les établissements de crédit demeurant cependant habilités à
émettre de la monnaie électronique. Cette directive vise les entreprises ou
toute autre personne morale autre que les établissements de crédit, qui émet
des moyens de paiement sous forme de monnaie électronique.
La
directive de 2009/110/CE[35]
définit quant à elle l’établissement de monnaie électronique comme une personne
morale titulaire d’un agrément, supprimant ainsi la référence à l’entreprise.
Ainsi, les établissements de monnaie électronique sont soumis, comme les
établissements bancaires, à l’exigence d’un agrément préalable pour l’exercice
de leur activité.
Par
ailleurs, la directive n°2006/48/CE[36]
a catégorisé les établissements de monnaie électronique parmi les
établissements de crédit. Or, au terme de la directive n°2000/46/CE[37]
remplacée par celle de 2006, les établissements de monnaie électronique ne
correspondaient pas à une nouvelle catégorie d’établissement de crédit, et les
agréaient en qualité de sociétés financières bénéficiant d’un régime prudentiel
spécifique[38].
Ainsi, la monnaie électronique constituait un procédé de gestion de moyens de
paiement et relevait donc du monopole bancaire.
La
directive n°2009/110/CE[39]
quant à elle ne remet pas en cause l’assimilation des établissements de monnaie
électronique aux établissements de crédit mais affirme la particularité de leur
régime prudentiel. Ainsi, seule est applicable la réglementation concernant les
établissements de paiement incluse dans la directive n°2007/64/CE.
2.
Qualification
juridique de la monnaie électronique
Le
statut des établissements de monnaie électronique conduit à s’interroger sur la
nature de la qualification de la monnaie électronique, constituant soit
une nouvelle forme juridique de monnaie soit une simple nouvelle manière de
gérer la monnaie scripturale.
La
monnaie électronique doit réunir les trois fonctions de la monnaie pour
constituer une nouvelle forme juridique de monnaie.
Tout
d’abord, la monnaie électronique remplit la première fonction d’unité de
compte, d’une part en ce que les fonds sont exprimés dans une unité monétaire
fixée par l’État dans lequel elle est émise (Euro, Dollar etc) et d’autre part
car elle est acceptée par d’autres personnes que l’émetteur lui-même, ce qui
permet de la rapprocher des monnaies traditionnelles.
Ensuite,
la monnaie électronique constitue également un nouveau moyen de paiement dont
l’originalité
tient
à ce que la dette de l’émetteur ne peut être assimilée à celle du banquier
dépositaire envers le déposant. De plus, le paiement entraine une modification
instantanée des soldes des PME contrairement aux moyens de paiement
préexistants pour lesquels la présentation de l’instrument de paiement au
banquier du débiteur est nécessaire pour que le compte du bénéficiaire soit
crédité.
Enfin,
la monnaie électronique doit s’incorporer dans un instrument monétaire c’est à
dire que les unités électroniques doivent être qualifiées de biens corporels ou
de biens incorporels. Or elles ne peuvent constituer des biens corporels car
elles ne sont pas matérialisées de sorte qu’elles sont catégorisées parmi les
biens incorporels. Plus précisément, il s’agit d’un droit de créance sur
l’émetteur en ce que le paiement en monnaie électronique a pour effet le
transfert d’un droit sur une somme d’argent entre le débiteur et le créancier. En
effet, le compte global de l’émetteur joue la fonction de réserve de valeur et
les unités électroniques représentent uniquement une créance sur ce compte,
c’est à dire une créance de monnaie scripturale.
Ainsi
la monnaie électronique constitue certes un nouveau moyen de paiement mais ne
constituerait qu’une nouvelle manière de gérer la monnaie fiduciaire de sorte
qu’elle ne peut être qualifiée de nouvelle forme juridique de monnaie.
3.
La
poursuite de l’ouverture du marché de paiement par la directive n°2015/2366
La directive n°2015/2366[40],
transposée par l’ordonnance du 9 août 2017[41], a
permis l’accueil de nouveaux acteurs au sein du marché de paiement et ainsi la
poursuite de l’ouverture de celui-ci. Il s’agit des services d’information sur
les comptes (SIC) et des services d’initiation de paiement regroupé (TPP :
Third party providers). Elle fixe
ainsi les règles encadrant l’accès à l’activité de ces services de paiement,
les modalités techniques applicables aux opérations de paiement et également
les droits et obligations des parties.
Le SIC consiste à fournir des informations concernant un compte de
paiement détenu auprès d’autres prestataires de service de paiement, le but
étant de permettre aux consommateurs disposant de plusieurs comptes bancaires
d’avoir une vue d’ensemble sur leur situation financière[42].
Les TPP quant à eux correspondent à des établissements de paiement ayant
pour rôle de procéder à un ordre de paiement à la demande d’un utilisateur à
partir d’un compte de paiement détenu auprès d’un prestataire de service de
paiement. Leur objectif est de permettre au consommateur d’effectuer des achats
en ligne par simple virement. La différence avec Paypal tient dans le fait que le commerçant pourra procéder à la
livraison du bien en étant certain d’obtenir le paiement.
De plus, la directive pose un principe de droit d’accès au compte et une obligation de « communication sécurisée » entre
les banques classiques et ces nouveaux prestataires. Cependant le gestionnaire
du compte peut refuser l’accès à un TTP « pour des raisons
objectivement motivées et documentées liées à un accès non autorisé ou
frauduleux au compte de paiement »[43].
En outre, le partage des informations personnelles des clients comporte
un risque sur la protection des données financières des consommateurs. C’est
ainsi que la directive exige « l’authentification forte du client ».
La mise en œuvre de ces dispositions et la rédaction des standards
techniques (RTS) ont nécessité l’intervention de l’Autorité bancaire européenne
(EBA). Celle-ci prône l’usage des interfaces de programmation applicative (API) fournies par les banques et suggère
donc d’interdire l’utilisation de la technique actuelle par les fintechs (startups qui réinventent la finance à l’aide
des technologies) : le web scrapping, qui consiste à
demander aux clients leur ID et mot de passe. Quant aux APIs, elles
fourniraient un accès a minima, le site transactionnel du client contenant
des données autres que les seules opérations réalisées sur le compte. Quant aux
fintechs, qui estiment que le standard proposé par l’EBA s’éloigne de l’esprit
de la directive, réclament d’accéder aux données des clients des banques en
continuant via la technique du web scrapping.
Par ailleurs, l’ordonnance transposant cette directive a été suivie de
deux décrets : Décret n° 2017-1313[44]
et le décret n° 2017-1314[45].
Par la suite, quatre arrêtés ont été signés le 31 août 2017[46]
et entreront en vigueur le 13 janvier 2018.
II.
Les
enjeux du régime juridique des monnaies virtuelle et électronique
Les
monnaies virtuelle et électronique font chacune l’objet d’un régime juridique
distinct (A) impliquant des enjeux controversés pour ces nouvelles formes de
monnaie (B).
A.
Divergences
quant au régime juridique respectif des monnaies virtuelles et électronique
1.
Le régime juridique plus ou moins singulier
de la monnaie électronique
Etant
donné que la monnaie électronique est envisagée dans la directive n°2009/110/CE comme un instrument de paiement,
les paiements en monnaie électronique ne sont ainsi pas réglementés séparément,
de sorte qu’ils sont régis par la directive n°2007/64/CE. Cependant, la
monnaie électronique fait l’objet de dispositions spécifiques.
En
effet, ne constitue pas une réception de fonds remboursables au sens de
l’article L.312-2 du Code
monétaire
et financier[47]
la collecte de fonds par les établissements de monnaie électronique dans le but
d’émettre une telle monnaie. De plus, au terme de l’article L.526-5 du Code
monétaire et financier, il est fait interdiction aux établissements de monnaie
électronique de disposer de ces fonds pour leur propre compte. En outre, la
rémunération des comptes de dépôt est admise pour les établissements de crédit
mais interdite concernant les fonds reçus dans le cadre de la monnaie
électronique. En effet, l’émetteur de monnaie électronique qui collecte des
fonds ne peut « verser sur ces fonds des
intérêts, toute
rémunération ou tout autre avantage liés à
la durée de détention de monnaie électronique »[48].
Concernant
les unités de monnaie électronique, celles-ci correspondent à des unités de
valeur.
Chacune
d’elle constitue une créance incorporée dans un titre[49]
et doit être émise sans délai contre la remise de fonds[50].
Elles ne peuvent être émises que pour une valeur nominale égale à celle des
fonds
collectés
en contrepartie[51].
Par
ailleurs, une autre originalité de la réglementation de la monnaie électronique
est de reposer sur une base conventionnelle. Tout d’abord, il faut préciser que
les règles concernant les services de paiement sont applicables aux activités
d’émission et de gestion de monnaie électronique, sans préjudice des exigences
supplémentaires obligeant les cocontractants en matière de monnaie électronique[52].
Ces exigences font l’objet d’une nouvelle section relative à « l’émission
et la gestion de monnaie électronique » qui a été consacrée aux
obligations contractuelles au sein du Code monétaire et financier[53].
Elle prévoit notamment que le recours à la monnaie électronique suppose qu’un
contrat soit conclu entre l’émetteur et son client, dans le but d’informer et
de protéger celui-ci, et ce avant tout contrat. En effet, les conditions
contractuelles doivent être communiquées sur support papier ou autre support
dans des termes clairs et compréhensibles au détenteur de monnaie électronique[54].
Une
autre originalité de la monnaie électronique tient dans la possibilité de
remboursement, nécessaire, au terme de la directive 2009/110/CE, pour préserver la confiance des détenteurs de monnaie
électronique, et n’impliquant pas que les fonds reçus en échange de la monnaie
électronique soient considérés comme des dépôts. C’est ainsi qu’une nouvelle
section consacrée « aux modalités de remboursement de la monnaie
électronique » a été inséré dans le Code monétaire et financier[55].
Ainsi,
le remboursement doit intervenir soit sous forme de monnaie fiduciaire soit par
opération de paiement, soit par transmission de fonds, selon le choix opéré par
le détenteur de monnaie électronique.
De
plus, le contrat principal doit prévoir les conditions et le délai de
remboursement des unités de monnaie électronique. Ce remboursement doit
intervenir sans frais[56]
et à la valeur nominale des unités de monnaie électronique mais peut devenir
onéreux[57].
Ces frais doivent, le cas échéant, être précisés dans le contrat quant à leur
montant, leur nature et le détail du calcul de ceux-ci[58]
et doivent être proportionné et en rapport avec les coûts réellement supportés
par l’émetteur de monnaie électronique[59].
Enfin, le système de médiation
bancaire a été étendu à la monnaie électronique dans le but d’éviter un recours
systématique aux juridictions. Ainsi, au terme de l’article L.316-1 du Code
monétaire et financier « Tout
consommateur a droit de recourir gratuitement à un médiateur (…) en vue de la
résolution d'un litige qui l'oppose à un établissement de crédit, une société
de financement, un établissement de monnaie électronique, un établissement de
paiement ou un prestataire de services d'information sur les comptes et relatif
aux services fournis et à l'exécution de contrats conclus (…)»[60]. Ainsi, le médiateur doit
statuer dans un délai de deux mois à compter de sa saisine et ses constatations
ne peuvent être produites ou invoquées sans l’accord des parties dans la suite
de la procédure. Cependant, le consommateur peut toujours assigner
l’établissement en cause devant les tribunaux, sans obligation de recourir à la
médiation.
2.
La tentative d’encadrement juridique de la
monnaie virtuelle
En
l’état actuel du droit, la nature juridique de la monnaie virtuelle demeure
assez floue, toutefois, son régime juridique tend à se préciser.
En
effet, la monnaie virtuelle échappe à toute réglementation et est émise de
façon décentralisée au sein d’un réseau d’utilisateurs.[61] En effet, l’émetteur de la monnaie
virtuelle n’est pas le fait d’un agent mais d’un réseau collaboratif ouvert à
tous. Le bitcoin est un réseau de
transactions sur internet complètement décentralisé, pair-à-pair. Les bitcoins, sont créés par un procédé appelé minage, au sein d'une communauté
d'internautes, appelé les « mineurs».[62] Les
utilisateurs de bitcoin forment un réseau collaboratif et communiquent entre
eux en utilisant internet. Lorsqu’une transaction est réalisée, le payeur
diffuse cette information à l’ensemble du réseau. Puis, lorsqu’un
« mineur » reçoit cette nouvelle transaction, il opère une validation
et une vérification. L’ensemble des vérifications menées ne sont pas effectuées
par une autorité mais par toutes les personnes qui composent la blockchain.
La monnaie virtuelle est stockée dans un
porte-monnaie virtuel attaché à un compte. Chaque utilisateur du réseau peut
obtenir des bitcoins en les achetant sur des plateformes d’échange contre de la
monnaie traditionnelle (euro, dollar) et en réalisant des transactions en
bitcoins. Les activités liées aux monnaies virtuelles, à savoir leurs achats ou
leur conversion en monnaie ayant cours légal sont vues d’un mauvais œil par les
autorités bancaires. De ce fait, de nombreuses
autorités bancaires, notamment la Banque de France souligne la méfiance des
monnaies virtuelles et la nécessité d’encadrer leurs activités.[63]
La monnaie virtuelle fait donc l’objet d’une
réglementation indirecte par le biais d’un encadrement juridique des
plateformes d’échanges de monnaies virtuelles.
Dans une publication, la Banque de France a
considéré que les opérations de conversion ou de
change de monnaie virtuelle en devises ayant cours légal est considérée comme
entrant dans le champ de la réglementation bancaire et s’analyse « comme
un service de paiement nécessitant un agrément de prestataire de services de
paiement »[64]
Cette position a été reprise
par l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) [65]
Cette analyse en un service de paiement a aussi
été reprise dans une jurisprudence opposant une plate-forme d’échange de
bitcoins (la société Macaraja) au Crédit industriel et commercial (CIC). La
cour d’appel de Paris a considéré que la négociation de bitcoins sur une
plate-forme d’échange.[66]
Cette décision constitue un premier pas vers la réglementation des activités
liées à la monnaie virtuelle.
En effet, le droit français prend
progressivement des mesures afin de réglementer les plateformes d’échange des
monnaies virtuelles.
L’ordonnance de
2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le
financement du terrorisme[67], modifie l’article L 561-2 du Code monétaire et
financier. Sont désormais assujetties, « Toute personne qui, à titre de profession habituelle, soit se porte
elle-même contrepartie, soit agit en tant qu'intermédiaire, en vue de
l'acquisition ou de la vente de tout instrument contenant sous forme numérique
des unités de valeur non monétaire pouvant être conservées ou être transférées
dans le but d'acquérir un bien ou un service, mais ne représentant pas de
créance sur l'émetteur » aux obligations prescrites par la
réglementation relative à la lutte contre le blanchiment et le financement du
terrorisme[68].Par
conséquent, le Code monétaire et financier régule pour la première fois les plateformes d'échange de monnaies virtuelles, sur les aspects anti-blanchiment
de leurs activités.
Qu’est-ce qu’implique cet agrément ? L’agrément des plates-formes de conversion, implique
d’une part l’application par ces dernières, des règles relatives à la lutte
contre le blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme[69].
Dès lors, les opérations
de conversion ou de change de monnaies virtuelles en devise ayant cours légal
sont soumises au dispositif de lutte contre le blanchiment. Cet agrément implique d’autre part la surveillance par la Banque de France de ces
plates-formes, dans le but de limiter le risque de fraude au moment de l’achat
ou de la vente de bitcoins[70].
Ajoutons que pour être utilisée dans un cadre légal et
réglementé, certaines plateformes prévoient un encadrement contractuel de leur
monnaie virtuelle par le biais d’un contrat d’adhésion, sous la forme le plus
souvent, de conditions générales de service. En effet, pour accéder à la
plateforme virtuelle, une authentification par l’utilisateur est obligatoire[71].
Enfin, l’assujettissement des plateformes
virtuelles à un agrément parait discutable. En effet, la monnaie virtuelle
n’étant pas considérée par nature comme étant une monnaie ayant cours légal, il
n’est donc pas possible d’en réguler son émission[72].
Toutefois, la multiplication de cette forme de monnaie interpelle les pouvoirs
publics, qui mettent l’accent sur leurs risques d’utilisations.
B.
Les
enjeux controversés des nouvelles formes de monnaie
1.
Les
risques liés à l’utilisation de la monnaie virtuelle
La
monnaie virtuelle présente à la fois des avantages et des risques. Dans un premier temps, elle a pour particularité de
fonctionner de manière indépendante. L’absence d’intermédiaires réduit
les coûts de transaction supportés par les utilisateurs et constitue un
avantage contrairement aux monnaies ayant cours légal. De plus, contrairement aux monnaies ayant cours légal, la valeur de la
monnaie virtuelle est basée uniquement sur l’offre et la demande. Aucune
banque centrale ne régule les conditions de
l’offre
et de la demande de la monnaie virtuelle au travers de la politique monétaire[73].
Si le bitcoin représente un avantage en termes
de coûts, ses utilisations les plus connues actuellement posent problème. La
monnaie virtuelle présente plusieurs risques majeurs.
Le principal problème de monnaie virtuelle
réside dans l’anonymat des transactions.
[74] Le bitcoin est considéré comme l’un des moyens
de paiement privilégiés pour acquérir des biens et des services illégaux
(drogue, trafic d’armes). De manière
générale, l’anonymat des monnaies virtuelles constitue avant tout un
risque d’utilisation de cette monnaie virtuelle à des fins criminelles ou à des
fins de blanchiment ou de financement du terrorisme[75].
D’ailleurs,
ces problèmes ont notamment été révélés en 2017 en Corée du Sud. En effet, la
faillite de la plateforme Youbit sud-coréenne
d'échange de monnaies cryptographiques avec la disparition de presque 750 000 bitcoins en est une
parfaite illustration[76].
Cette plateforme a été victime de piratage à plusieurs reprises. Près de 4 000 bitcoins avaient été
dérobés dans une cyberattaque imputable à la Corée du Nord.
Ensuite, la monnaie virtuelle
peut être utilisé à des fins de spéculation, d’où la forte volatilité et
fluctuation du cours de la monnaie virtuelle.
Quels sont les éléments qui
expliquent cette volatilité ? Dans un rapport de la Banque centrale
européenne[77],
il ressort que la volatilité des monnaies virtuelles notamment des bitcoins,
s’explique par des éléments qui influent sur la détermination de la valeur des bitcoins.
En effet, la valeur des bitcoins dépend de la
rapidité des transactions et la quantité de bitcoins en circulation. Ces
risques ont conduit l’organisme en charge du traitement du renseignement et action contre les
circuits financiers clandestins (TRACFIN) à publier une recommandation
dans lequel il identifie les risques liés à l’utilisation de la monnaie
virtuelle. Ce rapport formule différentes préconisations afin de remédier à ces
risques[78].
Il recommande notamment de « plafonner les montants susceptibles d’être
réglés en monnaie virtuelle » ou encore de « limiter les flux de monnaie
virtuelle avec des plafonds ».
Le troisième risque que
présente cette monnaie est lié à l’absence de garantie publique du
remboursement. L’utilisateur de la monnaie virtuelle ne dispose d’aucune
garantie offerte par une banque. De
plus, contrairement aux dépôts dans une banque qui sont automatiquement
couverts par le fonds de garantie des dépôts[79], l’utilisateur de bitcoin
n'est pas protégé en cas de faillite de l’intermédiaire. Ce risque demeure
très élevé chez l’utilisateur de monnaie virtuelle. En effet, celui-ci ne dispose d’aucun dispositif de protection
car le remboursement d’une devise virtuelle n’est pas garanti
et sa
convertibilité dans une monnaie ayant cours légal non plus.[80] Par exemple, en cas de fraude, l’utilisateur
de monnaie virtuelle ne dispose d’aucun recours légal possible.
Enfin, l’utilisation de la
monnaie virtuelle peut permettre le financement d’activités criminelles et faciliter le blanchiment d’argent[81].
Dans son rapport, Tracfin identifie les risques d’utilisation de la monnaie
virtuelle à des fins illicites. Le développent de ce type de
monnaie vise à rendre les opérations anonymes et non traçables. De plus, les
monnaies virtuelles sont susceptibles de faciliter la commission de certaines
infractions comme l’escroquerie par exemple par la création de sites de
commerce en ligne frauduleux. Ces risques conduit les autorités
publiques à réglementer ces monnaies. Dès lors, les règles relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et de
financement du terrorisme sont applicables sur les plateformes virtuelles,
conformément aux dispositions des articles L 561-1 et suivants du Code
monétaire et financier.
La question des risques d’utilisation de la
monnaie virtuelle est également discutable du point de vue de l’utilisation de
la monnaie électronique.
2.
Les
risques liés à l’utilisation de la monnaie électronique
Contrairement
à la monnaie virtuelle, la monnaie électronique présente une stabilité
puisqu’elle conserve un lien avec les monnaies traditionnelles de sorte que les
fonds sont exprimés dans la même unité de compte (ex : euro, dollar).
Toutefois, la monnaie électronique présente
certains risques qui remettent en cause cette stabilité.
En effet, la multiplication des nouveaux
prestataires de services de paiement accentue les risques de traçabilité et
d’anonymat des flux financiers. De ce fait, les monnaies électroniques peuvent
être utilisées à des fins illégales. Dans
le but de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme,
un décret en date du 10 novembre 2016 a été publié[82].
Ce décret concerne tous les
émetteurs de monnaie électronique et leurs distributeurs, les établissements de
crédit.
Ce décret impose
un plafonnement de la monnaie électronique.
L’article R.561-16
nouveau du Code monétaire et financier reprend la condition d’acquisition
exclusive de biens et services et la valeur maximale stockée de 250€, ainsi que
les conditions d’anonymat[83].
Désormais, « lorsque le
support est rechargeable le plafond devient mensuel puisqu’une limite maximale
de stockage et de paiement de 250 euros par période de 30 jours est
fixée. La valeur monétaire ne peut être dépensée que sur le territoire
national ». « Il est interdit de charger le support de monnaie
électronique au moyen d’espèces ou au moyen de monnaie électronique elle-même
anonyme ». Enfin,
« l’anonymat tombe en cas d’opérations de remboursement (et de
« retrait ») d’un montant supérieur à 100 euros ». Le décret renforce les mesures de vigilance envers
la monnaie électronique et permet d’augmenter les prérogatives de Tracfin en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et
financement du terrorisme. Ce décret, prévoit
la transmission à Tracfin des
éléments d'information relatifs aux opérations de transmissions de fonds à partir
d'un versement en espèces ou au moyen de monnaie électronique, dès que le
montant de l'opération dépasse un certain seuil.
Cet accès leur permet de disposer d’informations dans le cadre
de l’identification d’opérations de blanchiments de capitaux, lorsqu’une personne
a été préalablement fichée.
[1] Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Puf, 2011, page 662.
[2] Gérard Cornu,
Vocabulaire juridique, Puf, 2011, page 663.
[3] Bulletin de la Banque
de France, la nature juridique de la monnaie électronique, octobre 1999, n°70
page 46.
[4] Bulletin de la Banque
de France, la nature juridique de la monnaie électronique (op. cit).
[5] Thierry Bonneau, Droit bancaire, LGDJ, Précis Domat, 2017, page 95.
[6] Bulletin de la Banque de France, la nature juridique de la monnaie
électronique, octobre 1999, n° 70, page 53
[7] Sénat, les risques et
enjeux liées à l’essor des monnaies virtuelles, espace presse, 7 février 2018
[8] Julie de Clerck, les monnaies virtuelles : un défi pour la régulation, 2014,
n° 12, page 5
[9] Sénat, les risques et
enjeux liées à l’essor des monnaies virtuelles (op. cit)
[10] Julie de Clerck, les monnaies virtuelles, un défi pour la régulation, 2014,
n° 12, page 1.
[11] L’article L.315-1 Code
monétaire et financier (op. cit).
[12] Julie de Clerck, les monnaies virtuelles (op. cit).
[13] Ministère des finances et des comptes publics, l’encadrement des
monnaies virtuelles, juin 2014, page 3.
[14] Thierry Bonneau, Droit
bancaire, LGDJ, 2017, page 91.
[15] Laurent Barbotin, monnaies virtuelles : un cadre juridique en pleine
expansion n° 253, novembre 2014, page 68 à 69.
[16] L’autorité des Marchés Financiers,
risques et tendances n°15, juillet 2014, page 63.
[17] Christian Gavalda et Jean Stouffet, Droit bancaire, Lexis Nexis, 2015,
page 1166.
[18] Julie de Clerck, les monnaies virtuelles (op. cit).
[19] Gaetan Marain, le bitcoin à l’épreuve de la monnaie, AJ Contrat, 2017,
page 522.
[20] Raphaël RAULT, monnaie virtuelle et monnaie électronique : distinction
et encadrement contractuel des portes monnaies virtuels affectés, tendance
droit, 2017.
[21] Il s’agit des jeux en ligne, le plus connue est World of Warcraft.
[22] Un exemple récent est l’AmazonCoin.
[23] Alain Laurent et Virginie Monvoisin, les nouvelles monnaies
numériques : au-delà de la dématérialisation de la monnaie et de la
contestation des banques, revue de la régulation, octobre 2015.
[24] Ministère des finances et des comptes publics, l’encadrement des
monnaies virtuelles, juin 2014, page 3.
[25] Gaetan Marain, le bitcoin à l’épreuve de la monnaie, AJ Contrat 2017,
page 522.
[26] Thierry Bonneau, le
bitcoin, une monnaie ? revue-banque, février 2015.
[27] Article 14 de la loi du
21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
[28] Directive 2000/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre
2000 concernant l'accès à l'activité des établissements de monnaie électronique
et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements.
[29] Directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre
2009 concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique
et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements.
[30] Directive
2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant
les services de paiement dans le marché intérieur.
[31] Loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses
dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en
matière économique et financière.
[32] Article L.315-1 Code
monétaire et financier.
[33] Article L.525-1 du Code
monétaire et financier.
[34] Directive 2000/46/CE (op. cit).
[35] Directive 2009/110/CE (op. cit.).
[36] Article
5 de la directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 juin
2006 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son
exercice (refonte).
[37] Directive 2000/46/CE (op. cit).
[38] CECEI rapport 2008
§2.11.4.
[39] Directive 2009/110/CE (op. cit).
[40] Directive n°2015/2366
du parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 dite DSP 2 concernant
les services de paiement dans le marché intérieur.
[41] Ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de
la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015
concernant les services de paiement dans le marché intérieur.
[42] L’ACPR « les
principaux apports de la DSP 2 » du 26 janvier 2016.
[43] Articles 66 et 67 de la directive n°2015/2366.
[44] Décret n° 2017-1313
du 31 août 2017 portant transposition de la directive n° 2015/2366 du
Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de
paiement dans le marché intérieur.
[45] Décret n° 2017-1314 du 31 août 2017 portant transposition de la directive
n° 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant
les services de paiement dans le marché intérieur.
[46] Arrêtés du 31 août 2017
modifiant l’arrêté du 29 octobre 2009 portant sur la réglementation
prudentielle des établissements de paiement - modifiant l’arrêté du 2 mai 2013
portant sur la réglementation prudentielle des établissements de monnaie
électronique - modifiant l’arrêté du 29 juillet 2009 relatif aux relations
entre les prestataires de services de paiement et leurs clients en matière
d’obligations d’information des utilisateurs de services de paiement et
précisant les principales stipulations devant figurer dans les conventions de
compte de dépôt et les contrats-cadres de services de paiement - modifiant
l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du
secteur de la banque, des services de paiement et des services d’investissement
soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
[47] Article L.312-2 du Code
monétaire et financier.
[48] Article L315-4 du Code
monétaire et financier.
[49] Article L.315-1 II du
Code monétaire et financier.
[50] Article L.315-2 du Code
monétaire et financier.
[51] Article L.315-3 du Code
monétaire et financier.
[52] Article L.315-5 du Code
monétaire et financier.
[53] Section 3 du nouveau
chapitre V du livre III tu titre 1er du Code monétaire et financier.
[54] Article L.314-13 du
Code monétaire et financier.
[55] Section 12 du chapitre
II du titre II du livre 1er du Code monétaire et financier.
[56] Article L.133-30 du
Code monétaire et financier.
[57] Article L.133-31 du
Code monétaire et financier.
[58] Article L.315-7 du Code
monétaire et financier.
[59] Article L.133-32 du
Code monétaire et financier.
[60] Article L.316-1 du Code
monétaire et financier (modifié par l’ordonnance n°2017-1252 du 9 août 2017
entrée en vigueur le 13 janvier 2018).
[61] A.Laurent et V.Monvoisin,
Les nouvelles monnaies numériques : au-delà de la dématérialisation de la
monnaie et de la contestation des banques, 2015, p. 1-24
[62] S Mignot, Le bitcoin : nature et fonctionnement, Revue
Banque et Droit 2015, n° 159, p.20
[63] J.M Figuet, « Bitcoin et blockchain : quelles
opportunités ? », Revue
d'économie financière 2016, n°123, p. 325-338.
[64] Banque de France, Les dangers liés au développement des
monnaies virtuelles : l’exemple du bitcoin, Focus, 5 déc. 2013
[65] « Position de l’ACPR
relative aux opérations sur bitcoins en France », 29 janvier 2014 : « Dans le cadre d’une opération d’achat/vente
de bitcoins contre une
monnaie ayant cours légal, l’activité d’intermédiation consistant à recevoir
des fonds de l’acheteur de bitcoins pour les transférer au vendeur de bitcoins relève de la fourniture de services de
paiement ».
[67] Ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant
le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du
terrorisme
[68] H. Lefebvre, S. Polrot et C. Abitbol ,
Blockchain : premier (s) pas vers la réglementation des « cryptomonnaies »
et autres actifs numériques, La Semaine
Juridique Entreprise et Affaires n° 19, 11 Mai 2017
[69] Rapport Tracfin,
Tendances et analyse des risques de blanchiment de capitaux et de financement
du terrorisme, 2016
[70] L’encadrement des monnaies virtuelles »,
rapport du groupe de travail « Monnaie virtuelle » : Ministère
des Finances et des Comptes publics, juin 2014.
[72] J.Huet,Le bitcoin, dont
la légalité paraît admise, est une sorte de monnaie contractuelle, Revues droit
des contrats, 01/03/2017,n° 01, P54
[73] J-M Figuet, « Bitcoin et blockchain : quelles opportunités ? » (op.cit).
[74] Jean-Guy Degos, « Gérer les risques permanents des bitcoins et des
monnaies virtuelles de même type », Question(s) de management 2017, p. 77-86
[76] G.Bourdeaux, Propos sur
les « crypto-monnaies », Revue de droit bancaire et financier, décembre 2016,
p.4.
[77] Rapport de la Banque Centrale Européenne : Virtual currency schemes ,a further analysis, févr. 2015, p. 23.
[78] G.Bourdeaux, Propos sur
les « crypto-monnaies », Revue de droit bancaire et financier (op. cit).
[79] Article L. 312-4-1 du code monétaire et financier
[80] J-G Degos, « Gérer les risques permanents des bitcoins et des
monnaies virtuelles de même type », Question(s)
de management 2017 (op. cit).
[81] Rapport Tracfin,
Tendances et analyse des risques de blanchiment de capitaux et de financement
du terrorisme 2016
[82] Décret n° 2016-1523 du 10 novembre
2016 relatif à la lutte contre le financement du terrorisme
[83] Article R.561-16 nouveau du code monétaire et financier
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