La plateforme de droit bancaire et financier des étudiants en Master 2 - Droit européen et international économique et de Droit des Affaires Approfondi - de l'Université Paris XIII

24 mars 2018

MONNAIE ELECTRONIQUE VS MONNAIE VIRTUELLE



Monnaie électronique vs monnaie virtuelle 


 Par Victoire AYIKOÉ, Tilini SINGANKUTTI, Naila NAITMERZOUG

Lessentiel :
Lirruption du numérique dans léconomie a considérablement affecté les modes de paiement et la monnaie elle-même. En effet, les monnaies électroniques et virtuelles se sont développées depuis quelques années et se présentent comme une alternative aux monnaies classiques.
La crise financière ayant ébranlé la confiance des citoyens dans le système bancaire et financier, ces nouveaux types de monnaies ont eu un succès croissant. Parmi les monnaies virtuelles, la plus connue est le Bitcoin, créé en 2009 par Satoshi Nakamoto.
Ces monnaies, se développant en parallèle du système bancaire, doivent être encadrées par les institutions bancaires européennes. Depuis les années 2000, le cadre juridique de ces nouvelles monnaies tend à se préciser tant du point de vue de leur nature que du régime dont elles relèvent.
C’est ainsi qu’il s’est posé la question de la nature juridique de ces nouvelles formes de monnaies et des risques qu’impliquent leur régime juridique respectif au regard du système bancaire.
En effet, la monnaie virtuelle correspond davantage à une nouvelle forme juridique de monnaie que la monnaie électronique qui ne constitue qu’un nouveau moyen de paiement. Ainsi, chacune se voit appliquer un régime juridique différent ce qui implique plus ou moins de risques en comparaison avec ceux existants dans le cadre du système bancaire.

In brief :
The introduction to digital economics has significantly affected the payment methods and the currency itself. Electronic and virtual currencies have developed in recent years and present themselves as an alternative to official currencies. As the financial crisis has shaken citizens trust in the banking and financial system, this new type of currency has significantly increased. Among these virtual currencies, the Bitcoin created in 2009 by Satoshi Nakamoto is the most popular. These currencies, continuously developing parallel to the current banking system, must be supervised by European banking institutions. Since the 2000s, the legal framework of these new currencies has become more precise both in terms of their nature and the regime to which they belong. Thus, it raised the question of the legal nature of these new forms of currency and the risks involved in their respective legal systems regarding the banking system. In fact, the virtual currency corresponds more to a new legal form of money than electronic money, which is only a new means of payment. Thus, each one gives a different legal regime which implies more or less risk in comparison with those existing in the banking system.

Introduction : 

En décembre 2017, le cours du Bitcoin a dépassé le seuil des 16 000 dollars. Il représentait approximativement un tiers du marché des crypto-monnaies. Puis il s’est effondré en janvier dernier, passant en dessous de la barre symbolique des 10 000 dollars. Ces chiffres illustrent dores et déjà lampleur et lévolution vertigineuse de cette nouvelle monnaie qualifiée de monnaie virtuelle.

Lencadrement de la monnaie dite classique est soumis à la réglementation du système bancaire. La monnaie est définie comme un instrument légal des paiements pouvant avoir, suivant les systèmes monétaires, une base métallique ou une base fiduciaire[1]. En effet, il existe différents types de monnaies : la monnaie fiduciaire, un moyen de paiement constitué par des billets de banque ou des pièces métalliques, et la monnaie scripturale, un moyen de paiement constitué par les dépôts à vue dans les banques ou aux chèques postaux[2]. Lévolution de la monnaie sest ainsi faite en trois phases avec la monnaie métallique ou en argent, la monnaie fiduciaire et la monnaie scripturale. Cette évolution ne sest pas arrêtée à ce point puisque depuis les années 2000 deux nouveaux types de monnaies ont été introduites : la monnaie électronique et la monnaie virtuelle.

Par ailleurs, un moyen de paiement doit présenter certaines caractéristiques pour être qualifié de « monnaie ». Il existe trois différentes fonctions de la monnaie. Tout d’abord, la monnaie doit avoir une fonction d’unité de compte. En effet, la monnaie est « une unité de compte qui sert à apprécier la valeur des services et des choses dont on a besoin, indépendamment de sa matérialisation par son incorporation dans un support »[3]. Ensuite, la monnaie doit avoir une fonction de moyen de paiement. Le paiement se traduit par la remise de la somme, soit avec des espèces, soit par l’inscription sur le compte bancaire du créancier du montant de la somme d’argent due. Le paiement s’effectue alors au moment du transfert des unités monétaires contenues dans le patrimoine du débiteur vers celui du créancier. Ces unités monétaires qui sont incorporées dans des instruments monétaires vont circuler à l’aide de moyens de paiement. Enfin, la monnaie doit avoir une fonction d’incorporation dans un instrument monétaire[4].
Ces trois caractéristiques conduisent à s’interroger sur le point de savoir si la monnaie électronique et la monnaie virtuelle constituent chacune une nouvelle forme juridique de monnaie ou sil sagit dune nouvelle manière de gérer la monnaie scripturale.

Le développement des nouveaux moyens de paiement a permis lémergence des monnaies électroniques et virtuelles. La monnaie électronique est définie comme une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique[5]. En parallèle, la monnaie virtuelle est définie comme une monnaie numérique non régulée, dont lémission est habituellement contrôlée par ses développeurs, utilisée et acceptée parmi les membres dune communauté virtuelle donnée. Du point de vue de sa définition, la monnaie électronique tend à se rapprocher des monnaies classiques[6] puisqu’elle est considérée
comme un moyen de paiement. A linverse, la qualification juridique de la monnaie virtuelle n’est pas déterminée de manière précise puisque cette monnaie s’est développée à la marge du système bancaire. Ainsi, il est possible de nourrir une inquiétude profonde en ce qui concerne les monnaies virtuelles en raison de l’absence d’un cadre légal approprié. Les promoteurs de cette monnaie croient à l’avènement d’un monde dans lequel la circulation monétaire se ferait sans la mainmise de l’Etat. Cette conception est rattachée à une philosophie libertarienne et anarchiste. Les paiements au sein de cette société se feraient alors directement d’un agent à un autre sans devoir recourir au système bancaire ou à la monnaie publique.

La commission des finances du Sénat a organisé deux auditions successives le 7 février 2018 sur la blockchain et les monnaies virtuelles. Celles-ci ont permis aux diverses parties présentes de donner leurs points de vue sur ces deux sujets. En effet, la directrice des systèmes de paiement et des infrastructures de marché à la Banque de France a précisé qu’il fallait parler de « crypto-actifs » et non de monnaie virtuelle dans la mesure où ces actifs, bitcoin et ether, ne sont pas de la monnaie. Elle rappelle également que monnaie virtuelle comporte de nombreux risques pour leurs utilisateurs notamment le risque spéculatif, le financement d’activités criminelles, le cyber-risques et le risque sociétal et environnemental. Par ailleurs, certaines actions seront menées par la Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution afin de prendre en compte les différents risques, encourager une réflexion commune sur ce sujet et analyser l’impact potentiel des crypto-actifs sur la stabilité financière[7].
En effet, les institutions bancaires avaient un monopole pour contrôler et réguler lémission de la monnaie. En revanche, lusage dinternet par la population mondiale et les conséquences de cet usage sur léconomie réelle a permis de constater lapparition de nouveaux acteurs dans la régulation monétaire[8].

La distinction entre la monnaie électronique et la monnaie virtuelle au regard du système bancaire est intéressante puisquune éventuelle évolution des acteurs de régulation monétaire permettrait dencourager et de simplifier les transferts de fonds au sein de léconomie réelle. Les établissements de crédit ne seraient plus les seuls acteurs dans l’émission de la monnaie. En revanche, ce développement croissant introduit de nouveaux risques puisqu’il favoriserait lusage des monnaies virtuelles à des fins frauduleuses notamment de blanchiment[9].  

La question est la suivante : Dans quelle mesure les monnaies électroniques et virtuelles concurrencent-elles le système bancaire ?

Le système bancaire se trouve concurrencé dans une certaine mesure du fait de l’émergence de nouvelles formes de monnaie (I) dont le régime juridique implique des risques plus ou moins importants au regard de ce système (II).

I.               Le système bancaire à l’épreuve de nouvelles formes de monnaie

La monnaie virtuelle correspond à une nouvelle forme juridique de monnaie en marge du système bancaire et financier (A) contrairement à la monnaie électronique qui ne constitue qu’un nouveau moyen de paiement (B).

A.    La monnaie virtuelle à la marge du système bancaire

Diverses institutions de contrôle monétaire et financier ont pris position depuis le début de l’année 2014 sur la nature des monnaies virtuelles et des risques qu’elles sont susceptibles d’introduire dans les transactions monétaires[10].

1.     L’absence d’une qualification juridique précise de la monnaie virtuelle

En effet, pour définir la monnaie virtuelle le rapport d’octobre 2012 de la Banque centrale européenne établit ce que les monnaies virtuelles ne sont pas. Tout d’abord, la monnaie virtuelle doit être distinguée de la monnaie électronique. La monnaie virtuelle n’a pas la même définition que la monnaie électronique, transposée à l’article L 315-1 du code monétaire et financier[11], puisqu’elle ne représente pas une créance sur l’émetteur et n’est pas émise contre remise de fonds. La monnaie électronique, quant à elle, conserve un lien fort avec la monnaie traditionnelle puisqu’elles sont toutes deux exprimées dans une même unité de compte et sont gagées sur un actif.

Par ailleurs, la monnaie virtuelle ne repose que sur une convention entre ses utilisateurs et n’a pas de cadre juridique élaboré par une institution tierce. Ils sont ainsi les seuls acteurs de la monnaie virtuelle[12]. A l’inverse, les échanges réalisés au moyen de la monnaie électronique s’inscrivent dans un cadre juridique contraignant, élaboré par des institutions publiques de contrôle et mise en œuvre par des intermédiaires financiers. La création de la monnaie électronique reste donc soumise aux privilèges des établissements bancaires ou de crédit assujettis aux règles d’émission et de fonctionnement.

De plus, la Banque de France a souligné dans un rapport de 2013 que « la monnaie virtuelle ne répond pas non plus à la définition d’un moyen de paiement au sens du code monétaire et financier ». Les monnaies virtuelles ne sont pas non plus des instruments de paiement tels que définis par l’article L 133-4 du code monétaire et financier. En revanche, elles peuvent simplement en remplir la fonction économique[13].
Ensuite, la monnaie virtuelle doit être distinguée de la monnaie ayant cours légal[14]. En effet, l’article L 111-1 du code monétaire et financier prévoit que la seule monnaie ayant cours légal en France est l’euro. Cela signifie que l’euro est la seule monnaie que les différents opérateurs économiques sont contraints d’accepter. Elle a donc un caractère libératoire. En revanche, différentes institutions bancaires européennes ont soulignées que les monnaies virtuelles n’offraient aucune garantie de remboursement et qu’elles ne peuvent être qualifiées de monnaie ayant cours légal dans la mesure ou il est possible de les refuser en paiement[15].

Donc, même si l’on peut considérer que la monnaie virtuelle n’est ni de la monnaie ayant cours légal, ni de la monnaie électronique, ni un moyen de paiement, la question de la nature de la qualification juridique de la monnaie virtuelle reste en suspens. L’autorité des marchés financiers a suggéré quelques pistes en indiquant que la monnaie virtuelle pouvait être définie comme un produit bancaire, un bien assimilable à une marchandise ou un bien divers au sens de l’article L 151-1 du code monétaire et financier[16].
Par conséquent, cette absence de qualification de la nature juridique de la monnaie virtuelle montre que celle-ci existe en dehors de tout encadrement institutionnel et juridique. La création de cette nouvelle monnaie peut ainsi apparaître comme une perturbation à l’égard du système bancaire[17].

2.     Les différents types de monnaies virtuelles

Après avoir distingué la monnaie virtuelle des autres types de monnaie, la Banque centrale européenne propose une définition générale de la monnaie virtuelle. Elle définit la monnaie virtuelle comme « une monnaie numérique non régulée, dont l’émission est habituellement contrôlée par ses développeurs, utilisée et acceptée parmi les membres d’une communauté virtuelle donnée »[18]. La monnaie virtuelle se présente comme une alternative future aux monnaies dites « classiques » puisqu’elle ne rentre dans aucune catégorie juridique définie par les établissements bancaires ou de crédit. La Commission européenne l’a définie comme « une représentation numérique d'une valeur qui n'est émise ni par une Banque centrale ni par une autorité publique et qui ne sont pas nécessairement liées non plus à une monnaie à cours forcé »[19].

La Banque centrale européenne distingue trois types de monnaies virtuelles différentes[20]. La première est la monnaie virtuelle fermée qui est habituellement utilisée dans les jeux vidéo. Cette monnaie ne peut être dépensée que dans une communauté virtuelle bien précise et ne peut être convertie en monnaie légale. Il n’existe en réalité aucun lien avec l’économie réelle. Seuls des biens ou services virtuels peuvent être acquis par son biais[21].

La seconde est la monnaie virtuelle avec un flux unidirectionnel. La monnaie peut être ici achetée directement avec de la devise légale, à un taux de change défini, mais ne peut être reconvertie en monnaie légale. Elle permet à la fois d’acheter des biens et services virtuels ou des biens ou services réels[22]. Il s’agit essentiellement de systèmes de micropaiement.

La troisième est la monnaie virtuelle avec un flux bidirectionnel. Dans ce cas de figure, les utilisateurs peuvent convertir leur monnaie virtuelle en monnaie légale. Il existe à la fois un cours d’achat de monnaie ainsi qu’un cours de revente. L’exemple le plus connue est celui du Bitcoin. Celle-ci fait partie de la catégorie des monnaies virtuelles et utilise le protocole que l’on appelle « peer to peer » c’est à dire un échange direct et décentralisé entre internautes sous une forme cryptée.

3.     Les conséquences de la monnaie virtuelle sur le système bancaire

La diversité et la prolifération de ces monnaies virtuelles aura pour conséquence de multiplier les sources de la création monétaire et de pleinement concurrencer la monnaie publique[23]. En effet, l’idée d’une monnaie « privée » ou indépendante de tout pouvoir étatique n’est pas en elle-même radicalement nouvelle mais l’émergence d’une nouvelle monnaie en marge du système bancaire peut créer de nouveaux risques. C’est pour cette raison qu’un constat arrêté en juin 2014 a formulé des recommandations afin de construire un cadre permettant de prévenir et dissuader l’usage des monnaies
virtuelles à des fins frauduleuses ou de blanchiment[24]. Certes, l'émergence de ces nouvelles monnaies semble ouvrir la voie à une certaine remise en cause du système bancaire hiérarchisé mais l’organisation des paiements et des acteurs évoluent au fur et à mesure du temps. Ces transformations deviennent alors inéluctables et significatives pour notre société actuelle. Certains auteurs considèrent que le droit n’est pas exclusivement celui de l’Etat mais il peut être produit par d’auteurs sources notamment des sources non étatiques[25].

Dans un rapport de la Banque de France de 2015, celle-ci considère que ce développement doit présenter un certain nombre de garanties notamment en termes de stabilité et de sécurité. Par conséquent, l’encadrement des monnaies virtuelles serait le seul moyen pour les institutions bancaires européennes de réguler et de contrôler l’émergence de ce nouveau phénomène[26].
Par conséquent, la monnaie virtuelle constitue une nouvelle forme de monnaie qui s’est développé à la marge du système bancaire. Ce développement a eu pour conséquence de concurrencer les établissements bancaires. A l’inverse, la monnaie électronique est quant à elle considérée comme un simple moyen de paiement.

B.    La qualification de la monnaie électronique limitée à un nouveau moyen de paiement

1.     Introduction de la monnaie électronique et des établissements de ME
Le développement du commerce électronique, notamment dans le cadre de la loi du 21 juin 2004[27], entraîne un recours fréquent au nouveau moyen de paiement que constitue la monnaie électronique. Ses principales caractéristiques sont d’une part d’être entièrement dématérialisée et d’autre part de ne pas nécessiter l’existence d’un support papier.
C’est la directive n°2000/46/CE[28] qui introduit dans la législation communautaire la notion d’instrument
de monnaie électronique. Elle a ensuite été remplacée par la directive n°2009/110/CE[29] qui complète la directive générale sur les services de paiement n°2007/64/CE[30]. L’objectif de ces directives était de faciliter l’accès au marché pour les nouvelles entreprises et d’encourager une véritable concurrence entre tous les acteurs du marché.
La définition de la monnaie électronique posée par la directive n°2000/46/CE a été reprise, mais davantage précisée, par la directive n°2009/110/CE comme « une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement (…) et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique ». Cette définition de la monnaie électronique couvre ainsi le porte-monnaie électronique et la monnaie réseau.
Le porte-monnaie électronique (PME) fait référence aux cartes à circuits intégrés, multi-usages, rechargeables, stockant une valeur monétaire sur des supports dont les détenteurs sont propriétaires, et ainsi détachés des comptes bancaires. L’effacement du compte et l’intégration des unités de monnaie électronique dans un objet électronique constitue ainsi la nouveauté sur le plan juridique.
Concrètement, le client d’un établissement de crédit remet à celle-ci une somme d’argent et, en contrepartie, elle charge sur le porte-monnaie électronique du bénéficiaire des unités. Quand celui-ci souhaite effectuer un paiement, il transfère à son créancier des unités. Ce dernier demandera alors à l’établissement de crédit de lui convertir ces unités.
Ainsi, le risque d’une absence ou d’une insuffisance de provision est écarté, puisque l’établissement de crédit ne procèdera au chargement du porte-monnaie que si le compte du client était au préalable provisionné. Contrairement au paiement en espèces, la monnaie électronique reçue par le créancier ne peut être réutilisée. En effet, celle-ci doit être convertie et donc reversée sur le compte bancaire du bénéficiaire.
Quant à la monnaie réseau, il s’agit d’une forme de monnaie électronique qui, grâce à des logiciels spécialisés intégrés aux ordinateurs, peut être transférée pour s’acquitter des paiements via internet.
Il peut s’agir d’une carte bancaire virtuelle, correspondant à un numéro de carte à usage unique permettant un débit sur compte bancaire et ce sans l’usage de la carte bancaire. Exemples : E-carte bleue (Banque Populaire, Société Générale, etc) et banques en ligne (Axa Banque, Fortuneo etc).
Il existe également des cartes prépayées, réservées aux petites sommes et chargées d’un montant déterminé lors de leur achat sur internet ou dans des points de vente locaux (buralistes), ou encore des supports en ligne, par souscription à un service comme Paypal, permettant de n’utiliser les informations bancaires qu’une seule fois, lors de l’inscription. Il est ensuite possible de payer en ligne sans avoir à
utiliser ses coordonnées bancaires, à condition que le site vendeur propose ce type de paiement.
Force est de rappeler que la directive n°2009/110/CE a été transposée en droit français par la loi du 28
janvier 2013[31]. C’est ainsi que l’article L.315-1 du Code monétaire et financier[32] reprend la définition de la monnaie électronique prévue par la directive susvisée, dont les émetteurs sont les établissements de
monnaie électronique ainsi que les établissements de crédit au terme de l’article L.525-1 du Code monétaire et financier[33].
En effet, la directive n°2000/46/CE[34] a également créé un statut d’établissement de monnaie électronique, qui vient concurrencer les établissements de crédit demeurant cependant habilités à émettre de la monnaie électronique. Cette directive vise les entreprises ou toute autre personne morale autre que les établissements de crédit, qui émet des moyens de paiement sous forme de monnaie électronique.
La directive de 2009/110/CE[35] définit quant à elle l’établissement de monnaie électronique comme une personne morale titulaire d’un agrément, supprimant ainsi la référence à l’entreprise. Ainsi, les établissements de monnaie électronique sont soumis, comme les établissements bancaires, à l’exigence d’un agrément préalable pour l’exercice de leur activité.
Par ailleurs, la directive n°2006/48/CE[36] a catégorisé les établissements de monnaie électronique parmi les établissements de crédit. Or, au terme de la directive n°2000/46/CE[37] remplacée par celle de 2006, les établissements de monnaie électronique ne correspondaient pas à une nouvelle catégorie d’établissement de crédit, et les agréaient en qualité de sociétés financières bénéficiant d’un régime prudentiel spécifique[38]. Ainsi, la monnaie électronique constituait un procédé de gestion de moyens de paiement et relevait donc du monopole bancaire.
La directive n°2009/110/CE[39] quant à elle ne remet pas en cause l’assimilation des établissements de monnaie électronique aux établissements de crédit mais affirme la particularité de leur régime prudentiel. Ainsi, seule est applicable la réglementation concernant les établissements de paiement incluse dans la directive n°2007/64/CE.

2.     Qualification juridique de la monnaie électronique

Le statut des établissements de monnaie électronique conduit à s’interroger sur la nature de la qualification de la monnaie électronique, constituant soit une nouvelle forme juridique de monnaie soit une simple nouvelle manière de gérer la monnaie scripturale.
La monnaie électronique doit réunir les trois fonctions de la monnaie pour constituer une nouvelle forme juridique de monnaie.
Tout d’abord, la monnaie électronique remplit la première fonction d’unité de compte, d’une part en ce que les fonds sont exprimés dans une unité monétaire fixée par l’État dans lequel elle est émise (Euro, Dollar etc) et d’autre part car elle est acceptée par d’autres personnes que l’émetteur lui-même, ce qui permet de la rapprocher des monnaies traditionnelles.
Ensuite, la monnaie électronique constitue également un nouveau moyen de paiement dont l’originalité
tient à ce que la dette de l’émetteur ne peut être assimilée à celle du banquier dépositaire envers le déposant. De plus, le paiement entraine une modification instantanée des soldes des PME contrairement aux moyens de paiement préexistants pour lesquels la présentation de l’instrument de paiement au banquier du débiteur est nécessaire pour que le compte du bénéficiaire soit crédité.
Enfin, la monnaie électronique doit s’incorporer dans un instrument monétaire c’est à dire que les unités électroniques doivent être qualifiées de biens corporels ou de biens incorporels. Or elles ne peuvent constituer des biens corporels car elles ne sont pas matérialisées de sorte qu’elles sont catégorisées parmi les biens incorporels. Plus précisément, il s’agit d’un droit de créance sur l’émetteur en ce que le paiement en monnaie électronique a pour effet le transfert d’un droit sur une somme d’argent entre le débiteur et le créancier. En effet, le compte global de l’émetteur joue la fonction de réserve de valeur et les unités électroniques représentent uniquement une créance sur ce compte, c’est à dire une créance de monnaie scripturale.
Ainsi la monnaie électronique constitue certes un nouveau moyen de paiement mais ne constituerait qu’une nouvelle manière de gérer la monnaie fiduciaire de sorte qu’elle ne peut être qualifiée de nouvelle forme juridique de monnaie.

3.     La poursuite de l’ouverture du marché de paiement par la directive n°2015/2366
La directive n°2015/2366[40], transposée par l’ordonnance du 9 août 2017[41], a permis l’accueil de nouveaux acteurs au sein du marché de paiement et ainsi la poursuite de l’ouverture de celui-ci. Il s’agit des services d’information sur les comptes (SIC) et des services d’initiation de paiement regroupé (TPP : Third party providers). Elle fixe ainsi les règles encadrant l’accès à l’activité de ces services de paiement, les modalités techniques applicables aux opérations de paiement et également les droits et obligations des parties.
Le SIC consiste à fournir des informations concernant un compte de paiement détenu auprès d’autres prestataires de service de paiement, le but étant de permettre aux consommateurs disposant de plusieurs comptes bancaires d’avoir une vue d’ensemble sur leur situation financière[42].
Les TPP quant à eux correspondent à des établissements de paiement ayant pour rôle de procéder à un ordre de paiement à la demande d’un utilisateur à partir d’un compte de paiement détenu auprès d’un prestataire de service de paiement. Leur objectif est de permettre au consommateur d’effectuer des achats en ligne par simple virement. La différence avec Paypal tient dans le fait que le commerçant pourra procéder à la livraison du bien en étant certain d’obtenir le paiement.
De plus, la directive pose un principe de droit d’accès au compte et une obligation de « communication sécurisée » entre les banques classiques et ces nouveaux prestataires. Cependant le gestionnaire du compte peut refuser l’accès à un TTP « pour des raisons objectivement motivées et documentées liées à un accès non autorisé ou frauduleux au compte de paiement »[43].
En outre, le partage des informations personnelles des clients comporte un risque sur la protection des données financières des consommateurs. C’est ainsi que la directive exige « l’authentification forte du client ».
La mise en œuvre de ces dispositions et la rédaction des standards techniques (RTS) ont nécessité l’intervention de l’Autorité bancaire européenne (EBA). Celle-ci prône l’usage des interfaces de programmation applicative (API) fournies par les banques et suggère donc d’interdire l’utilisation de la technique actuelle par les fintechs (startups qui réinventent la finance à l’aide des technologies) : le web scrapping, qui consiste à demander aux clients leur ID et mot de passe. Quant aux APIs, elles fourniraient un accès a minima, le site transactionnel du client contenant des données autres que les seules opérations réalisées sur le compte. Quant aux fintechs, qui estiment que le standard proposé par l’EBA s’éloigne de l’esprit de la directive, réclament d’accéder aux données des clients des banques en continuant via la technique du web scrapping.
Par ailleurs, l’ordonnance transposant cette directive a été suivie de deux décrets : Décret n° 2017-1313[44] et le décret n° 2017-1314[45]. Par la suite, quatre arrêtés ont été signés le 31 août 2017[46] et entreront en vigueur le 13 janvier 2018.

II.              Les enjeux du régime juridique des monnaies virtuelle et électronique

Les monnaies virtuelle et électronique font chacune l’objet d’un régime juridique distinct (A) impliquant des enjeux controversés pour ces nouvelles formes de monnaie (B).

A.    Divergences quant au régime juridique respectif des monnaies virtuelles et électronique

1.     Le régime juridique plus ou moins singulier de la monnaie électronique

Etant donné que la monnaie électronique est envisagée dans la directive n°2009/110/CE comme un instrument de paiement, les paiements en monnaie électronique ne sont ainsi pas réglementés séparément, de sorte qu’ils sont régis par la directive n°2007/64/CE. Cependant, la monnaie électronique fait l’objet de dispositions spécifiques.
En effet, ne constitue pas une réception de fonds remboursables au sens de l’article L.312-2 du Code
monétaire et financier[47] la collecte de fonds par les établissements de monnaie électronique dans le but d’émettre une telle monnaie. De plus, au terme de l’article L.526-5 du Code monétaire et financier, il est fait interdiction aux établissements de monnaie électronique de disposer de ces fonds pour leur propre compte. En outre, la rémunération des comptes de dépôt est admise pour les établissements de crédit mais interdite concernant les fonds reçus dans le cadre de la monnaie électronique. En effet, l’émetteur de monnaie électronique qui collecte des fonds ne peut « verser sur ces fonds des intérêts, toute
rémunération ou tout autre avantage liés à la durée de détention de monnaie électronique »[48].
Concernant les unités de monnaie électronique, celles-ci correspondent à des unités de valeur.
Chacune d’elle constitue une créance incorporée dans un titre[49] et doit être émise sans délai contre la remise de fonds[50]. Elles ne peuvent être émises que pour une valeur nominale égale à celle des fonds
collectés en contrepartie[51].
Par ailleurs, une autre originalité de la réglementation de la monnaie électronique est de reposer sur une base conventionnelle. Tout d’abord, il faut préciser que les règles concernant les services de paiement sont applicables aux activités d’émission et de gestion de monnaie électronique, sans préjudice des exigences supplémentaires obligeant les cocontractants en matière de monnaie électronique[52]. Ces exigences font l’objet d’une nouvelle section relative à « l’émission et la gestion de monnaie électronique » qui a été consacrée aux obligations contractuelles au sein du Code monétaire et financier[53]. Elle prévoit notamment que le recours à la monnaie électronique suppose qu’un contrat soit conclu entre l’émetteur et son client, dans le but d’informer et de protéger celui-ci, et ce avant tout contrat. En effet, les conditions contractuelles doivent être communiquées sur support papier ou autre support dans des termes clairs et compréhensibles au détenteur de monnaie électronique[54].
Une autre originalité de la monnaie électronique tient dans la possibilité de remboursement, nécessaire, au terme de la directive 2009/110/CE, pour préserver la confiance des détenteurs de monnaie électronique, et n’impliquant pas que les fonds reçus en échange de la monnaie électronique soient considérés comme des dépôts. C’est ainsi qu’une nouvelle section consacrée « aux modalités de remboursement de la monnaie électronique » a été inséré dans le Code monétaire et financier[55].
Ainsi, le remboursement doit intervenir soit sous forme de monnaie fiduciaire soit par opération de paiement, soit par transmission de fonds, selon le choix opéré par le détenteur de monnaie électronique.
De plus, le contrat principal doit prévoir les conditions et le délai de remboursement des unités de monnaie électronique. Ce remboursement doit intervenir sans frais[56] et à la valeur nominale des unités de monnaie électronique mais peut devenir onéreux[57]. Ces frais doivent, le cas échéant, être précisés dans le contrat quant à leur montant, leur nature et le détail du calcul de ceux-ci[58] et doivent être proportionné et en rapport avec les coûts réellement supportés par l’émetteur de monnaie électronique[59].
Enfin, le système de médiation bancaire a été étendu à la monnaie électronique dans le but d’éviter un recours systématique aux juridictions. Ainsi, au terme de l’article L.316-1 du Code monétaire et financier « Tout consommateur a droit de recourir gratuitement à un médiateur (…) en vue de la résolution d'un litige qui l'oppose à un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de monnaie électronique, un établissement de paiement ou un prestataire de services d'information sur les comptes et relatif aux services fournis et à l'exécution de contrats conclus (…)»[60]. Ainsi, le médiateur doit statuer dans un délai de deux mois à compter de sa saisine et ses constatations ne peuvent être produites ou invoquées sans l’accord des parties dans la suite de la procédure. Cependant, le consommateur peut toujours assigner l’établissement en cause devant les tribunaux, sans obligation de recourir à la médiation.

2.     La tentative d’encadrement juridique de la monnaie virtuelle

En l’état actuel du droit, la nature juridique de la monnaie virtuelle demeure assez floue, toutefois, son régime juridique tend à se préciser.
En effet, la monnaie virtuelle échappe à toute réglementation et est émise de façon décentralisée au sein d’un réseau d’utilisateurs.[61] En effet, l’émetteur de la monnaie virtuelle n’est pas le fait d’un agent mais d’un réseau collaboratif ouvert à tous. Le bitcoin est un réseau de transactions sur internet complètement décentralisé, pair-à-pair.  Les bitcoins, sont créés par un procédé appelé minage, au sein d'une communauté d'internautes, appelé les  « mineurs».[62] Les utilisateurs de bitcoin forment un réseau collaboratif et communiquent entre eux en utilisant internet. Lorsqu’une transaction est réalisée, le payeur diffuse cette information à l’ensemble du réseau. Puis, lorsqu’un « mineur » reçoit cette nouvelle transaction, il opère une validation et une vérification. L’ensemble des vérifications menées ne sont pas effectuées par une autorité mais par toutes les personnes qui composent la blockchain.
La monnaie virtuelle est stockée dans un porte-monnaie virtuel attaché à un compte. Chaque utilisateur du réseau peut obtenir des bitcoins en les achetant sur des plateformes d’échange contre de la monnaie traditionnelle (euro, dollar) et en réalisant des transactions en bitcoins. Les activités liées aux monnaies virtuelles, à savoir leurs achats ou leur conversion en monnaie ayant cours légal sont vues d’un mauvais œil par les autorités bancaires. De ce fait, de nombreuses autorités bancaires, notamment la Banque de France souligne la méfiance des monnaies virtuelles et la nécessité d’encadrer leurs activités.[63]
La monnaie virtuelle fait donc l’objet d’une réglementation indirecte par le biais d’un encadrement juridique des plateformes d’échanges de monnaies virtuelles.
Dans une publication, la Banque de France a considéré que les opérations de conversion ou de change de monnaie virtuelle en devises ayant cours légal est considérée comme entrant dans le champ de la réglementation bancaire et s’analyse « comme un service de paiement nécessitant un agrément de prestataire de services de paiement »[64]
Cette position a été reprise par l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) [65]
Cette analyse en un service de paiement a aussi été reprise dans une jurisprudence opposant une plate-forme d’échange de bitcoins (la société Macaraja) au Crédit industriel et commercial (CIC). La cour d’appel de Paris a considéré que la négociation de bitcoins sur une plate-forme d’échange.[66] Cette décision constitue un premier pas vers la réglementation des activités liées à la monnaie virtuelle.
En effet, le droit français prend progressivement des mesures afin de réglementer les plateformes d’échange des monnaies virtuelles.
L’ordonnance de 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme[67], modifie l’article L 561-2 du Code monétaire et financier. Sont désormais assujetties, « Toute personne qui, à titre de profession habituelle, soit se porte elle-même contrepartie, soit agit en tant qu'intermédiaire, en vue de l'acquisition ou de la vente de tout instrument contenant sous forme numérique des unités de valeur non monétaire pouvant être conservées ou être transférées dans le but d'acquérir un bien ou un service, mais ne représentant pas de créance sur l'émetteur » aux obligations prescrites par la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme[68].Par conséquent, le Code monétaire et financier régule pour la première fois les plateformes d'échange de monnaies virtuelles, sur les aspects anti-blanchiment de leurs activités.

Qu’est-ce qu’implique cet agrément ? L’agrément des plates-formes de conversion, implique d’une part l’application par ces dernières, des règles relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme[69]. Dès lors, les opérations de conversion ou de change de monnaies virtuelles en devise ayant cours légal sont soumises au dispositif de lutte contre le blanchiment. Cet agrément implique d’autre part la surveillance par la Banque de France de ces plates-formes, dans le but de limiter le risque de fraude au moment de l’achat ou de la vente de bitcoins[70].
Ajoutons que pour être utilisée dans un cadre légal et réglementé, certaines plateformes prévoient un encadrement contractuel de leur monnaie virtuelle par le biais d’un contrat d’adhésion, sous la forme le plus souvent, de conditions générales de service. En effet, pour accéder à la plateforme virtuelle, une authentification par l’utilisateur est obligatoire[71].

Enfin, l’assujettissement des plateformes virtuelles à un agrément parait discutable. En effet, la monnaie virtuelle n’étant pas considérée par nature comme étant une monnaie ayant cours légal, il n’est donc pas possible d’en réguler son émission[72]. Toutefois, la multiplication de cette forme de monnaie interpelle les pouvoirs publics, qui mettent l’accent sur leurs risques d’utilisations.

B.    Les enjeux controversés des nouvelles formes de monnaie

1.     Les risques liés à l’utilisation de la monnaie virtuelle

La monnaie virtuelle présente à la fois des avantages et des risques. Dans un premier temps, elle a pour particularité de fonctionner de manière indépendante. L’absence d’intermédiaires réduit les coûts de transaction supportés par les utilisateurs et constitue un avantage contrairement aux monnaies ayant cours légal. De plus, contrairement aux monnaies ayant cours légal, la valeur de la monnaie virtuelle est basée uniquement sur l’offre et la demande. Aucune banque centrale ne régule les conditions de
l’offre et de la demande de la monnaie virtuelle au travers de la politique monétaire[73].
Si le bitcoin représente un avantage en termes de coûts, ses utilisations les plus connues actuellement posent problème. La monnaie virtuelle présente plusieurs risques majeurs.
Le principal problème de monnaie virtuelle réside dans l’anonymat des transactions. [74] Le bitcoin est considéré comme l’un des moyens de paiement privilégiés pour acquérir des biens et des services illégaux (drogue, trafic d’armes). De manière générale, l’anonymat des monnaies virtuelles constitue avant tout un risque d’utilisation de cette monnaie virtuelle à des fins criminelles ou à des fins de blanchiment ou de financement du terrorisme[75].  D’ailleurs, ces problèmes ont notamment été révélés en 2017 en Corée du Sud. En effet, la faillite de la plateforme Youbit sud-coréenne d'échange de monnaies cryptographiques avec la disparition de presque 750 000 bitcoins en est une parfaite illustration[76]. Cette plateforme a été victime de piratage à plusieurs reprises. Près de 4 000 bitcoins avaient été dérobés dans une cyberattaque imputable à la Corée du Nord.
Ensuite, la monnaie virtuelle peut être utilisé à des fins de spéculation, d’où la forte volatilité et fluctuation du cours de la monnaie virtuelle.
Quels sont les éléments qui expliquent cette volatilité ? Dans un rapport de la Banque centrale européenne[77], il ressort que la volatilité des monnaies virtuelles notamment des bitcoins, s’explique par des éléments qui influent sur la détermination de la valeur des bitcoins. En effet, la valeur des bitcoins dépend de la rapidité des transactions et la quantité de bitcoins en circulation. Ces risques ont conduit l’organisme en charge du traitement  du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) à publier une recommandation dans lequel il identifie les risques liés à l’utilisation de la monnaie virtuelle. Ce rapport formule différentes préconisations afin de remédier à ces risques[78]. Il recommande notamment de « plafonner les montants susceptibles d’être réglés en monnaie virtuelle » ou encore de « limiter les flux de monnaie virtuelle avec des plafonds ».
Le troisième risque que présente cette monnaie est lié à l’absence de garantie publique du remboursement. L’utilisateur de la monnaie virtuelle ne dispose d’aucune garantie offerte par une banque. De plus, contrairement aux dépôts dans une banque qui sont automatiquement couverts par le fonds de garantie des dépôts[79], l’utilisateur de bitcoin n'est pas protégé en cas de faillite de l’intermédiaire. Ce risque demeure très élevé chez l’utilisateur de monnaie virtuelle. En effet, celui-ci ne dispose d’aucun dispositif de protection car le remboursement d’une devise virtuelle n’est pas garanti
et sa convertibilité dans une monnaie ayant cours légal non plus.[80] Par exemple, en cas de fraude, l’utilisateur de monnaie virtuelle ne dispose d’aucun recours légal possible.
Enfin, l’utilisation de la monnaie virtuelle peut permettre le financement d’activités criminelles et  faciliter le blanchiment d’argent[81]. Dans son rapport, Tracfin identifie les risques d’utilisation de la monnaie virtuelle à des fins illicites. Le développent de ce type de monnaie vise à rendre les opérations anonymes et non traçables. De plus, les monnaies virtuelles sont susceptibles de faciliter la commission de certaines infractions comme l’escroquerie par exemple par la création de sites de commerce en ligne frauduleux. Ces risques conduit les autorités publiques à réglementer ces monnaies. Dès lors, les règles relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme sont applicables sur les plateformes virtuelles, conformément aux dispositions des articles L 561-1 et suivants du Code monétaire et financier.
La question des risques d’utilisation de la monnaie virtuelle est également discutable du point de vue de l’utilisation de la monnaie électronique.

2.     Les risques liés à l’utilisation de la monnaie électronique

Contrairement à la monnaie virtuelle, la monnaie électronique présente une stabilité puisqu’elle conserve un lien avec les monnaies traditionnelles de sorte que les fonds sont exprimés dans la même unité de compte (ex : euro, dollar).
Toutefois, la monnaie électronique présente certains risques qui remettent en cause cette stabilité.
En effet, la multiplication des nouveaux prestataires de services de paiement accentue les risques de traçabilité et d’anonymat des flux financiers. De ce fait, les monnaies électroniques peuvent être utilisées à des fins illégales.  Dans le but de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, un décret en date du 10 novembre 2016 a été publié[82]. Ce décret concerne tous les émetteurs de monnaie électronique et leurs distributeurs, les établissements de crédit.
Ce décret impose un plafonnement de la monnaie électronique.
L’article R.561-16 nouveau du Code monétaire et financier reprend la condition d’acquisition exclusive de biens et services et la valeur maximale stockée de 250€, ainsi que les conditions d’anonymat[83].
Désormais, « lorsque le support est rechargeable le plafond devient mensuel puisqu’une limite maximale de stockage et de paiement de 250 euros par période de 30 jours est fixée. La valeur monétaire ne peut être dépensée que sur le territoire national ». « Il est interdit de charger le support de monnaie électronique au moyen d’espèces ou au moyen de monnaie électronique elle-même anonyme ». Enfin, « l’anonymat tombe en cas d’opérations de remboursement (et de « retrait ») d’un montant supérieur à 100 euros ».  Le décret renforce les mesures de vigilance envers la monnaie électronique et permet d’augmenter les prérogatives de Tracfin en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme. Ce décret, prévoit la transmission à Tracfin des éléments d'information relatifs aux opérations de transmissions de fonds à partir d'un versement en espèces ou au moyen de monnaie électronique, dès que le montant de l'opération dépasse un certain seuil.
Cet accès leur permet de disposer d’informations dans le cadre de l’identification d’opérations de blanchiments de capitaux, lorsqu’une personne a été préalablement fichée.




[1] Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Puf, 2011, page 662.
[2] Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Puf, 2011, page 663.
[3] Bulletin de la Banque de France, la nature juridique de la monnaie électronique, octobre 1999, n°70 page 46.
[4] Bulletin de la Banque de France, la nature juridique de la monnaie électronique (op. cit).
[5] Thierry Bonneau, Droit bancaire, LGDJ, Précis Domat, 2017, page 95.
[6] Bulletin de la Banque de France, la nature juridique de la monnaie électronique, octobre 1999, n° 70, page 53
[7] Sénat, les risques et enjeux liées à l’essor des monnaies virtuelles, espace presse, 7 février 2018
[8] Julie de Clerck, les monnaies virtuelles : un défi pour la régulation, 2014, n° 12, page 5
[9] Sénat, les risques et enjeux liées à l’essor des monnaies virtuelles (op. cit)
[10] Julie de Clerck, les monnaies virtuelles, un défi pour la régulation, 2014, n° 12, page 1.
[11] L’article L.315-1 Code monétaire et financier (op. cit).
[12] Julie de Clerck, les monnaies virtuelles (op. cit).
[13] Ministère des finances et des comptes publics, l’encadrement des monnaies virtuelles, juin 2014, page 3.
[14] Thierry Bonneau, Droit bancaire, LGDJ, 2017, page 91.
[15] Laurent Barbotin, monnaies virtuelles : un cadre juridique en pleine expansion n° 253, novembre 2014, page 68 à 69.
[16] L’autorité des Marchés Financiers, risques et tendances n°15, juillet 2014, page 63.
[17] Christian Gavalda et Jean Stouffet, Droit bancaire, Lexis Nexis, 2015, page 1166.
[18] Julie de Clerck, les monnaies virtuelles (op. cit).
[19] Gaetan Marain, le bitcoin à l’épreuve de la monnaie, AJ Contrat, 2017, page 522.
[20] Raphaël RAULT, monnaie virtuelle et monnaie électronique : distinction et encadrement contractuel des portes monnaies virtuels affectés, tendance droit, 2017.
[21] Il s’agit des jeux en ligne, le plus connue est World of Warcraft.
[22] Un exemple récent est l’AmazonCoin.
[23] Alain Laurent et Virginie Monvoisin, les nouvelles monnaies numériques : au-delà de la dématérialisation de la monnaie et de la contestation des banques, revue de la régulation, octobre 2015.
[24] Ministère des finances et des comptes publics, l’encadrement des monnaies virtuelles, juin 2014, page 3.
[25] Gaetan Marain, le bitcoin à l’épreuve de la monnaie, AJ Contrat 2017, page 522.
[26] Thierry Bonneau, le bitcoin, une monnaie ? revue-banque, février 2015.
[27] Article 14 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
[28] Directive 2000/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 concernant l'accès à l'activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements.
[29] Directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements.
[30] Directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.
[31] Loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.
[32] Article L.315-1 Code monétaire et financier.
[33] Article L.525-1 du Code monétaire et financier.
[34] Directive 2000/46/CE (op. cit).
[35] Directive 2009/110/CE (op. cit.).
[36] Article 5 de la directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice (refonte).
[37] Directive 2000/46/CE (op. cit).
[38] CECEI rapport 2008 §2.11.4.
[39] Directive 2009/110/CE (op. cit).
[40] Directive n°2015/2366 du parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 dite DSP 2 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.
[41] Ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur. 
[42] L’ACPR « les principaux apports de la DSP 2 » du 26 janvier 2016.
[43] Articles 66 et 67 de la directive n°2015/2366.
[44] Décret n° 2017-1313 du 31 août 2017 portant transposition de la directive n° 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.
[45] Décret n° 2017-1314 du 31 août 2017 portant transposition de la directive n° 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.
[46] Arrêtés du 31 août 2017 modifiant l’arrêté du 29 octobre 2009 portant sur la réglementation prudentielle des établissements de paiement - modifiant l’arrêté du 2 mai 2013 portant sur la réglementation prudentielle des établissements de monnaie électronique - modifiant l’arrêté du 29 juillet 2009 relatif aux relations entre les prestataires de services de paiement et leurs clients en matière d’obligations d’information des utilisateurs de services de paiement et précisant les principales stipulations devant figurer dans les conventions de compte de dépôt et les contrats-cadres de services de paiement - modifiant l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d’investissement soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
[47] Article L.312-2 du Code monétaire et financier.
[48] Article L315-4 du Code monétaire et financier.
[49] Article L.315-1 II du Code monétaire et financier.
[50] Article L.315-2 du Code monétaire et financier.
[51] Article L.315-3 du Code monétaire et financier.
[52] Article L.315-5 du Code monétaire et financier.
[53] Section 3 du nouveau chapitre V du livre III tu titre 1er du Code monétaire et financier.
[54] Article L.314-13 du Code monétaire et financier.
[55] Section 12 du chapitre II du titre II du livre 1er du Code monétaire et financier.
[56] Article L.133-30 du Code monétaire et financier.
[57] Article L.133-31 du Code monétaire et financier.
[58] Article L.315-7 du Code monétaire et financier.
[59] Article L.133-32 du Code monétaire et financier.
[60] Article L.316-1 du Code monétaire et financier (modifié par l’ordonnance n°2017-1252 du 9 août 2017 entrée en vigueur le 13 janvier 2018).
[61] A.Laurent et V.Monvoisin, Les nouvelles monnaies numériques : au-delà de la dématérialisation de la monnaie et de la contestation des banques, 2015, p. 1-24
[62] S Mignot, Le bitcoin : nature et fonctionnement, Revue Banque et Droit 2015, n° 159, p.20
[63] J.M Figuet, « Bitcoin et blockchain : quelles opportunités ? », Revue d'économie financière 2016, n°123, p. 325-338.
[64] Banque de France, Les dangers liés au développement des monnaies virtuelles : l’exemple du bitcoin, Focus, 5 déc. 2013
[65] « Position de l’ACPR relative aux opérations sur bitcoins en France », 29 janvier 2014 : « Dans le cadre d’une opération d’achat/vente de bitcoins contre une monnaie ayant cours légal, l’activité d’intermédiation consistant à recevoir des fonds de l’acheteur de bitcoins pour les transférer au vendeur de bitcoins relève de la fourniture de services de paiement ».

[67] Ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
[68] H. Lefebvre, S. Polrot et C. Abitbol , Blockchain : premier (s) pas vers la réglementation des                                                         « cryptomonnaies » et autres actifs numériques, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 19, 11 Mai 2017
[69] Rapport Tracfin, Tendances et analyse des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, 2016
[70] L’encadrement des monnaies virtuelles », rapport du groupe de travail « Monnaie virtuelle » : Ministère des Finances et des Comptes publics, juin 2014.
[72] J.Huet,Le bitcoin, dont la légalité paraît admise, est une sorte de monnaie contractuelle, Revues droit des contrats, 01/03/2017,n° 01, P54
[73] J-M Figuet, « Bitcoin et blockchain : quelles opportunités ? » (op.cit).
[74] Jean-Guy Degos, « Gérer les risques permanents des bitcoins et des monnaies virtuelles de même type », Question(s) de management 2017, p. 77-86
[76] G.Bourdeaux, Propos sur les « crypto-monnaies », Revue de droit bancaire et financier, décembre 2016, p.4.
[77] Rapport de la Banque Centrale Européenne : Virtual currency schemes ,a further analysis, févr. 2015, p. 23.
[78] G.Bourdeaux, Propos sur les « crypto-monnaies », Revue de droit bancaire et financier (op. cit).
[79] Article L. 312-4-1 du code monétaire et financier 
[80] J-G Degos, « Gérer les risques permanents des bitcoins et des monnaies virtuelles de même type », Question(s) de management 2017 (op. cit).
[81] Rapport Tracfin, Tendances et analyse des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme 2016
[82] Décret n° 2016-1523 du 10 novembre 2016 relatif à la lutte contre le financement du terrorisme 
[83] Article R.561-16 nouveau du code monétaire et financier