LA SAISIE DES COMPTES BANCAIRES
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Ali HILASS
27 janvier 2017
Summary :
A bank
account in credit represents a debt of the owner over the bank where
it has been opened. Therefore, it can be seized by the owner's
creditors. In theory, all bank accounts opened can be seized and the
bank can not protect its client behind bank confidentiality
principle. Moreover, the seizure of this account makes the account
balance unavailable to the client. The seizure can either be used as
an enforcement procedure, through an attachment on a bank account, or
as a measure of protection, through a preventive seizure. Besides, a
bank account can also be subject to third-party notifications from
the National treasury. Finally, the EU has recently published a
Regulation that establish a process in order to facilitate the
preventive seizure of bank accounts owned in other member states.
Résumé :
Le compte bancaire,
lorsqu'il est créditeur, représente une créance du client sur
l'établissement de crédit auprès duquel il est ouvert. De ce fait,
il peut faire l'objet d'une saisie par un créancier de son
titulaire. En principe, tous les comptes bancaires ouverts auprès
d'établissements de crédit peuvent être saisis sans que le
banquier puisse opposer le secret bancaire. La saisie rend également
indisponible le solde provisoire du compte sur lequel elle est
exercée. La saisie peut s'opérer en tant que voie d'exécution,
sous la forme d'une saisie-attribution, ou bien en tant que mesure
conservatoire, sous la forme d'une saisie conservatoire. Le compte
bancaire peut également faire l'objet d'un avis à tiers détenteur
de la part du Trésor Public. Par ailleurs, un Règlement de l'Union
européenne a récemment établi une procédure visant à faciliter
la saisie à titre conservatoire de comptes bancaires détenus dans
d'autres États membres.
Introduction
Le compte en banque est
devenu de nos jours un facteur d'insertion sociale indispensable à
tout individu, personne physique ou personne morale. Il est défini
comme un « tableau des crédits et des dettes réciproques
et donc d'un document comptable qui retrace les opérations
effectuées par le client dans sa relation avec l'établissement de
crédit »1.
Lorsque son solde provisoire est créditeur, le compte bancaire
représente une créance du titulaire sur l'établissement de crédit
auprès duquel il est ouvert. Ainsi, la question s'est posée de
savoir si une telle créance pouvait faire l'objet d'une saisie par
les créanciers du titulaire.
Une saisie se définit
comme une « voie d'exécution forcée par laquelle un
créancier fait mettre sous main de justice les biens de son
débiteur, en vue de les faire vendre et de se payer sur le prix »2.
Plus généralement, il s'agit de l'appréhension par un créancier
d'un bien du patrimoine de son débiteur suite à un défaut de
paiement de la part de celui-ci. Elle peut être selon les cas une
mesure d'exécution, ce qui représente les hypothèses les plus
communes, ou bien une mesure conservatoire, lorsque le créancier ne
dispose pas de titre exécutoire mais qu'il est urgent de prendre une
mesure provisoire pour garantir ses droits.
Lorsque sont en cause des
sommes d'argent, deux voies sont ouvertes au créancier pour assurer
recouvrement de sa créance, la saisie-attribution et la saisie
conservatoire. La saisie-attribution est la forme de saisie qui
consiste en l'attribution immédiate au créancier d'une somme
d'argent détenue par son débiteur. Elle nécessite toutefois que le
créancier dispose d'un titre exécutoire3.
La saisie conservatoire est une mesure provisoire qui a pour objectif
de placer sous main de justice des biens du débiteurs, afin que
celui-ci n'en dispose pas ou ne les fasse pas disparaître. Elle ne
nécessite pas que le créancier détienne un titre exécutoire, mais
simplement qu'il démontre que sa créance soit fondée en son
principe et qu'il existe des circonstances susceptibles d'en menacer
le recouvrement4.
Ainsi, en tant que
créance du débiteur, il est parfaitement concevable que le compte
bancaire représente un bien saisissable par le créancier.
Cependant, les règles spéciales s'appliquant au compte bancaire,
notamment le secret bancaire, ainsi que le contexte particulier
l'entourant, tel que le fait qu'il contienne les moyens de
subsistance des individus5,
ont conduit le législateur à adopter des règles particulières
pour leur saisie.
Ainsi, il conviendra de
déterminer dans quelle mesure un compte bancaire peut être saisi
par un créancier, quelles sont les règles spéciales qui gouvernent
cette forme de saisie.
Pour ce faire, seront
traités successivement la saisissabilité des comptes bancaire (I)
ainsi que les spécificités de la procédure de saisie des comptes
(II).
I/ La
saisissabilité du compte bancaire
En terme de saisie, le
principe de saisissabilité des comptes bancaires est le principe qui
s'applique en la matière (A). Lorsqu'une telle saisie est pratiquée,
celle-ci entraîne plusieurs effets, dont le principal est
l'indisponibilité du solde (B).
A/ Le principe de
saisissabilité du compte bancaire
La loi du 9 juillet
19916,
complétée par le décret du 31 juillet 19927,
ont grandement facilité la saisie des comptes bancaires. Ces
dispositions ont aujourd'hui été codifiées au sein du code des
procédures civiles d'exécution par une ordonnance du 19 décembre
20118,
pour la partie législative, et par un décret du 30 mai 20129,
pour la partie réglementaire.
Ces dispositions ont
instauré le principe selon lequel tous les comptes sont
saisissables. Il est considéré que tous les comptes sont concernés,
qu'il s'agisse de comptes de dépôt, de comptes courants ou de
comptes à terme, bien que l'article L162-1 du code des procédures
civiles d'exécution ne vise que les comptes de dépôt10.
Cela inclut également
les plans d'épargne logement, en dépit du fait que les sommes qui y
sont versées sont temporairement indisponibles11,
ainsi que les prêts consentis par un établissement de crédit quand
bien même ils auraient été consentis avec une affectation précise
car ces fonds cessent d'être individualisables dès leur inscription
en compte12.
Concernant les comptes collectifs, et notamment les comptes joints,
ils sont également saisissables par le créancier d'un titulaire
s'il parvient à identifier les fonds de son débiteur13.
Seuls certains comptes professionnels ayant légalement une
affectation spéciale et les comptes dont les avoirs sont affectés
contractuellement à un tiers dans des conditions assurant
l'opposabilité de cette affectation à un saisissant échappent à
la saisie.
En revanche, en raison du
fait que l'essentiel des liquidités des ménages sont détenues par
l'intermédiaire de comptes bancaires, un décret du 11 septembre
2002 avait instauré une mesure selon laquelle le titulaire d'un
compte saisi pouvait demander au tiers saisi, la banque, la mise à
disposition immédiate d'une somme à caractère alimentaire. Cette
mesure est dorénavant codifiée14
et a fait l'objet d'une modification. Désormais, l'application du
solde bancaire insaisissable est rendue automatique, le tiers saisi
doit ainsi laisser à la disposition du débiteur personne physique
dans la limite du solde créditeur du compte saisi, une somme
forfaitaire égale au montant du revenu de solidarité active.
Les comptes bancaires
peuvent ainsi être saisis quelle que soit leur nature malgré
l'existence de certaines restrictions. Cette saisie entraîne la
survenance de plusieurs effets dont le principal est
l'indisponibilité du solde bancaire saisi.
B/ Les effets de la
saisie du compte bancaire
L'acte de saisie affecte
l'ensemble des comptes du débiteur qui représentent des sommes
d'argent15.
Cependant, le créancier peut prendre la décision d'en limiter
l'effet à certains comptes du débiteur16.
En revanche, lorsque l'acte de saisie est signifié à une agence, il
ne concerne que les comptes qui sont tenus dans ladite agence17.
La saisie d'un compte
bancaire crée des obligations à la charge du banquier. Lorsqu'une
saisie est opérée sur un compte bancaire, le premier effet est que
le banquier ne peut pas opposer le secret bancaire. En effet,
celui-ci doit déclarer la nature du ou des comptes du débiteur et
leur position au jour de la saisie18.
Si le banquier ne livre pas les renseignements que la loi lui impose,
il sera condamné au paiement des causes de la saisie et à des
dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclarations
inexactes ou mensongères19.
Cependant, le principal
effet de la saisie est l'indisponibilité du solde, que ce soit en
cas de saisie-attribution ou de saisie conservatoire. Il ressort de
l'examen des textes d'origine législative20
qu'il s'agirait d'une indisponibilité partielle, s'appliquant
seulement à une somme égale à celle pour laquelle la saisie est
pratiquée. L'excédent demeure à la libre disposition du débiteur
saisi.
En revanche, lorsque l'on
se penche sur les textes d'origine réglementaire, on constate qu'il
est énoncé que l'acte de saisie-attribution rend indisponible
l'ensemble des comptes du débiteur21.
Certains considèrent que cette règle prône une indisponibilité
totale du solde22.
Par ailleurs, cette interprétation semble confortée par le fait que
le créancier peut limiter l'effet de la saisie à certains comptes,
ce qui serait inutile en cas d'indisponibilité partielle23.
La supériorité de la
valeur de la loi sur la valeur du règlement commanderait d'écarter
la seconde au profit de la première et ainsi de retenir
l'indisponibilité partielle. Cependant, une lecture combinée de ces
textes pourrait permettre de considérer qu'en cas de saisie,
l'ensemble des comptes du débiteur est saisi, chacun des comptes
étant saisi à concurrence du montant de la cause de la saisie24.
Concernant la
détermination du solde, il convient de distinguer les opérations en
cours, dont la date est antérieure à la saisie, des opérations
nouvelles, conclues après la date de la saisie. Les secondes ne
peuvent pas influer sur le montant du solde. Les opérations en
cours, quant à elles, sont susceptible de s'imputer sur le montant
du solde selon une règle spéciale posée par la loi25.
Cette règle énonce que le solde saisi n'est affecté que par le
résultat cumulé des opérations en cours et non par chacune des
opérations prise isolément. Par ailleurs, le solde ne peut être
affecté que si le résultat cumulé des opérations est négatif.
Ainsi, le résultat positif n'accroît pas les sommes saisies même
si celles-ci sont insuffisantes pour satisfaire la créance26.
Enfin, le résultat cumulé négatif ne s'impute sur les sommes
saisies que si l'excédent non saisi est insuffisant pour absorber ce
débit.
Ainsi, la saisie des
comptes bancaires peut s'exercer en principe sur tous les comptes et
rend le solde du compte indisponible. Sa mise en œuvre suscite,
comme pour son principe et ses effets, des spécificités en raison
de nature particulière du compte bancaire.
II/ Les
spécificités de la mise en œuvre de la saisie du compte bancaire
Bien que les saisies
prévues par le code des procédures civiles d'exécution ne
s'appliquent qu'aux comptes bancaires détenus en France (A), l'Union
européenne a récemment publié un Règlement27
visant à permettre la saisie à titre conservatoire de comptes
détenus dans d'autres états membres (B).
A/ La saisie de
comptes bancaires détenus en France
Le créancier peut
recourir à la saisie-attribution des comptes bancaires de son
débiteur afin d'obtenir le transfert immédiat de la somme
correspondant au montant de sa créance. Pour y avoir recours, le
créancier doit être muni d'un titre exécutoire constatant une
créance liquide et exigible28.
Cette saisie se fait par acte d'huissier signifié à la banque et
elle ne peut être pratiquée qu'au siège de la banque ou dans une
agence tenant le compte29.
En cas de saisie d'un compte joint, elle doit être dénoncée à
chacun des titulaires. En pratique, il est difficile pour un
créancier de connaître les comptes dont le débiteur est titulaire.
C'est pourquoi, il est permis à l'huissier porteur d'un titre
exécutoire de demander à l'administration fiscale la communication
de l'adresse des organismes financiers auprès desquels un compte est
tenu au nom du débiteur30.
L'administration ne peut pas non plus opposer le secret
professionnel.
Dans le cas où le
créancier ne détiendrait pas de titre exécutoire, il peut tout de
même obtenir une autorisation judiciaire de procéder à une saisie
conservatoire s'il démontre que sa créance est fondée en son
principe et que son recouvrement est menacé. Cette autorisation
n'est pas requise dans certains cas tels que le défaut de paiement
d'une lettre de change ou d'un chèque31.
Cette mesure conservatoire a pour effet de rendre indisponible le
solde à concurrence du montant fixé par le juge ou du montant pour
lequel la saisie est pratiquée. Lorsqu'un titre exécutoire est
obtenu, la saisie-conservatoire est transformée en
saisie-attribution, à défaut, elle devient caduque.
Enfin, un compte bancaire
peut également faire l'objet d'un avis à tiers détenteur à
l'initiative du Trésor public pour le recouvrement des créances
fiscales et assimilés32.
Son mécanisme est très proche de la saisie-attribution. En
revanche, le tiers saisi n'est pas tenu des obligations d'information
qui pèsent sur lui en cas de saisie-attribution33.
Les procédures de
saisies de sommes d'argent s'appliquent ainsi à la saisie de compte
bancaire avec quelques particularité. Un règlement a récemment été
publié pour pallier la difficulté de l'hypothèse de comptes
bancaire détenus dans d'autres états membres de l'Union européenne.
B/ La saisie des
comptes bancaires détenus au sein de l'Union européenne
Le Règlement du 15 mai
201434
a été publié afin d'assurer plus aisément le paiement des
créanciers sur des fonds détenus dans des états membres de l'Union
européenne. Il crée ainsi une procédure d'ordonnance européenne
de saisie conservatoire applicable aux créances civiles et
commerciales35.
Ce règlement s'applique depuis le 18 janvier 2017. Il s'agit d'une
saisie conservatoire, les fonds du débiteur sont ainsi bloqués afin
d'éviter qu'ils soient dilapidés ou transférés en fraude des
droits du créancier. Cette procédure est ouverte tant aux
particuliers qu'aux entreprises.
L'ordonnance de saisie
conservatoire étant délivrée par une juridiction, il convient de
déterminer le juge compétent. Lorsque le créancier n'a pas obtenu
de titre exécutoire, les juridictions compétentes sont celles étant
compétentes sur le fond. S'il a d'ores et déjà obtenu un titre
exécutoire, les juridictions compétences sont celles ayant rendu la
décision. En revanche, si le créancier est un professionnel et le
débiteur, un consommateur, Les juridictions compétentes seront
celles de l'état où le débiteur a son domicile.
Comme pour la saisie
conservatoire de droit interne, le créancier doit démontrer qu'il
est urgent de prendre cette mesure, plus spécifiquement, qu'il y a
un risque réel que le recouvrement de sa créance soit empêché ou
rendu sensiblement plus difficile. L'ordonnance délivrée est
reconnue dans tous les autres états membres sans procédure spéciale
et est exécutoire sans exequatur36.
La banque à laquelle
l'ordonnance est adressée doit la mettre en œuvre sans délai. Les
fonds faisant objet de la saisie conservatoire demeurent saisis soit
jusqu'à ce que l'ordonnance soit révoquée, soit jusqu'à ce que
prenne fin l'exécution de l'ordonnance, soit jusqu'à ce qu'une
mesure en vue d'exécuter une décision, une transaction ou un acte
authentique obtenue par le créancier au sujet de la créance que
l'ordonnance visait à garantir ait pris effet en ce qui concerne les
fonds saisis.
1Bonneau
T., Droit bancaire, LGDJ,
2015, 11e éd, p. 315, n°431 ;
2Lexique
des termes juridiques, Dalloz, 2010, 17e éd, p. 645 ;
3Lexique
des termes juridiques, Dalloz, 2010, 17e éd, p. 646 ;
4Code
des procédures civiles d'exécution, article L511-1, premier
alinéa ;
5Gavalda
C., Stoufflet J., Droit bancaire,
LexisNexis, 8e éd, p. 253, n°415 ;
6Loi
n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles
d'exécution ;
7Décret
n°92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles
relatives aux procédures civiles d'exécution ;
8Ordonnance
n°2011-1895 du 19 décembre 2011 relative à la partie législative
du code des procédures civiles d'exécution ;
9Décret
n°2012 du 30 mai 2012 relatif à la partie réglementaire du code
des procédures civiles d'exécution ;
10Bonneau
T., droit bancaire, LGDJ, 11e éd, 2015, p. 360, n°493 ;
11Cass.
2e civ., 29 mai 1991, n°90-11.714 ;
12Cass.
2e civ., 31 mai 2001, RD bancaire et financier septembre-octobre
2001, p.292, obs. Lucas et Delleci ;
13Cass.
1re civ., 20 mai 2009, n°08-12.922 ;
14Code
des procédures civiles d'exécution, article L162-2 ;
15Code
des procédures civiles d'exécution, article R211-19 ;
16Code
des procédures civiles d'exécution, article R211-21, premier
alinéa ;
17CA
Douai, 18 novembre 1993, Rev. Banque, janvier 1994, p. 93 ; D.
1995, p. 271 ;
18Civ2,
1er juillet 1999, n°96-19.108 ;
19Code
des procédures civiles d'exécution, article R211-5 ;
20Code
des procédures civiles d'exécution, articles L141-2 et L523-1 ;
21Code
des procédures civils, article R211-19 précité ;
22Bonneau
T., Droit bancaire, LGDJ, 2015, 11e éd, p. 363, n°493 ;
23Bonneau
T., Droit bancaire, LGDJ, 2015, 11e éd, ibid ;
24Bonneau
T., Droit bancaire, LGDJ, 2015, 11e éd, ibid ;
25Code
des procédures civiles d'exécution, article L162-1, dernier
alinéa ;
26Bonneau
T., Droit bancaire, LGDJ, 2015, 11e éd, ibid ;
27Règlement
n°655/2014/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 ;
28Code
des procédures civiles d'exécution, article L211-1 ;
29CA
Douai, 18 novembre 1993, précité ;
30Code
des procédures civiles d'exécution, article L152-1 ;
31Code
des procédures civiles d'exécution, article L511-2 ;
32Livre
des procédures fiscales, articles L262 et L263 ;
33Cass.
Mixte, 26 janvier 2007, n°04-10.422 ;
34Règlement
n°655/2014/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014
35Règlement
du 15 mai 2014, article 2 : ce règlement ne s'applique pas aux
créances concernant les régimes matrimoniaux, les testaments et
successions, les procédures collectives, les affaires de sécurité
sociale et l'arbitrage ;
36Article
22 du Règlement ;
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