La plateforme de droit bancaire et financier des étudiants en Master 2 - Droit européen et international économique et de Droit des Affaires Approfondi - de l'Université Paris XIII

4 mars 2017

LA SAISIE DES COMPTES BANCAIRES





LA SAISIE DES COMPTES BANCAIRES



Ali HILASS

27 janvier 2017





Summary :

A bank account in credit represents a debt of the owner over the bank where it has been opened. Therefore, it can be seized by the owner's creditors. In theory, all bank accounts opened can be seized and the bank can not protect its client behind bank confidentiality principle. Moreover, the seizure of this account makes the account balance unavailable to the client. The seizure can either be used as an enforcement procedure, through an attachment on a bank account, or as a measure of protection, through a preventive seizure. Besides, a bank account can also be subject to third-party notifications from the National treasury. Finally, the EU has recently published a Regulation that establish a process in order to facilitate the preventive seizure of bank accounts owned in other member states.


Résumé :

Le compte bancaire, lorsqu'il est créditeur, représente une créance du client sur l'établissement de crédit auprès duquel il est ouvert. De ce fait, il peut faire l'objet d'une saisie par un créancier de son titulaire. En principe, tous les comptes bancaires ouverts auprès d'établissements de crédit peuvent être saisis sans que le banquier puisse opposer le secret bancaire. La saisie rend également indisponible le solde provisoire du compte sur lequel elle est exercée. La saisie peut s'opérer en tant que voie d'exécution, sous la forme d'une saisie-attribution, ou bien en tant que mesure conservatoire, sous la forme d'une saisie conservatoire. Le compte bancaire peut également faire l'objet d'un avis à tiers détenteur de la part du Trésor Public. Par ailleurs, un Règlement de l'Union européenne a récemment établi une procédure visant à faciliter la saisie à titre conservatoire de comptes bancaires détenus dans d'autres États membres.



Introduction

Le compte en banque est devenu de nos jours un facteur d'insertion sociale indispensable à tout individu, personne physique ou personne morale. Il est défini comme un « tableau des crédits et des dettes réciproques et donc d'un document comptable qui retrace les opérations effectuées par le client dans sa relation avec l'établissement de crédit »1. Lorsque son solde provisoire est créditeur, le compte bancaire représente une créance du titulaire sur l'établissement de crédit auprès duquel il est ouvert. Ainsi, la question s'est posée de savoir si une telle créance pouvait faire l'objet d'une saisie par les créanciers du titulaire.

Une saisie se définit comme une « voie d'exécution forcée par laquelle un créancier fait mettre sous main de justice les biens de son débiteur, en vue de les faire vendre et de se payer sur le prix »2. Plus généralement, il s'agit de l'appréhension par un créancier d'un bien du patrimoine de son débiteur suite à un défaut de paiement de la part de celui-ci. Elle peut être selon les cas une mesure d'exécution, ce qui représente les hypothèses les plus communes, ou bien une mesure conservatoire, lorsque le créancier ne dispose pas de titre exécutoire mais qu'il est urgent de prendre une mesure provisoire pour garantir ses droits.

Lorsque sont en cause des sommes d'argent, deux voies sont ouvertes au créancier pour assurer recouvrement de sa créance, la saisie-attribution et la saisie conservatoire. La saisie-attribution est la forme de saisie qui consiste en l'attribution immédiate au créancier d'une somme d'argent détenue par son débiteur. Elle nécessite toutefois que le créancier dispose d'un titre exécutoire3. La saisie conservatoire est une mesure provisoire qui a pour objectif de placer sous main de justice des biens du débiteurs, afin que celui-ci n'en dispose pas ou ne les fasse pas disparaître. Elle ne nécessite pas que le créancier détienne un titre exécutoire, mais simplement qu'il démontre que sa créance soit fondée en son principe et qu'il existe des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement4.

Ainsi, en tant que créance du débiteur, il est parfaitement concevable que le compte bancaire représente un bien saisissable par le créancier. Cependant, les règles spéciales s'appliquant au compte bancaire, notamment le secret bancaire, ainsi que le contexte particulier l'entourant, tel que le fait qu'il contienne les moyens de subsistance des individus5, ont conduit le législateur à adopter des règles particulières pour leur saisie.

Ainsi, il conviendra de déterminer dans quelle mesure un compte bancaire peut être saisi par un créancier, quelles sont les règles spéciales qui gouvernent cette forme de saisie.

Pour ce faire, seront traités successivement la saisissabilité des comptes bancaire (I) ainsi que les spécificités de la procédure de saisie des comptes (II).

I/ La saisissabilité du compte bancaire

En terme de saisie, le principe de saisissabilité des comptes bancaires est le principe qui s'applique en la matière (A). Lorsqu'une telle saisie est pratiquée, celle-ci entraîne plusieurs effets, dont le principal est l'indisponibilité du solde (B).

A/ Le principe de saisissabilité du compte bancaire

La loi du 9 juillet 19916, complétée par le décret du 31 juillet 19927, ont grandement facilité la saisie des comptes bancaires. Ces dispositions ont aujourd'hui été codifiées au sein du code des procédures civiles d'exécution par une ordonnance du 19 décembre 20118, pour la partie législative, et par un décret du 30 mai 20129, pour la partie réglementaire.

Ces dispositions ont instauré le principe selon lequel tous les comptes sont saisissables. Il est considéré que tous les comptes sont concernés, qu'il s'agisse de comptes de dépôt, de comptes courants ou de comptes à terme, bien que l'article L162-1 du code des procédures civiles d'exécution ne vise que les comptes de dépôt10.

Cela inclut également les plans d'épargne logement, en dépit du fait que les sommes qui y sont versées sont temporairement indisponibles11, ainsi que les prêts consentis par un établissement de crédit quand bien même ils auraient été consentis avec une affectation précise car ces fonds cessent d'être individualisables dès leur inscription en compte12. Concernant les comptes collectifs, et notamment les comptes joints, ils sont également saisissables par le créancier d'un titulaire s'il parvient à identifier les fonds de son débiteur13. Seuls certains comptes professionnels ayant légalement une affectation spéciale et les comptes dont les avoirs sont affectés contractuellement à un tiers dans des conditions assurant l'opposabilité de cette affectation à un saisissant échappent à la saisie.

En revanche, en raison du fait que l'essentiel des liquidités des ménages sont détenues par l'intermédiaire de comptes bancaires, un décret du 11 septembre 2002 avait instauré une mesure selon laquelle le titulaire d'un compte saisi pouvait demander au tiers saisi, la banque, la mise à disposition immédiate d'une somme à caractère alimentaire. Cette mesure est dorénavant codifiée14 et a fait l'objet d'une modification. Désormais, l'application du solde bancaire insaisissable est rendue automatique, le tiers saisi doit ainsi laisser à la disposition du débiteur personne physique dans la limite du solde créditeur du compte saisi, une somme forfaitaire égale au montant du revenu de solidarité active.

Les comptes bancaires peuvent ainsi être saisis quelle que soit leur nature malgré l'existence de certaines restrictions. Cette saisie entraîne la survenance de plusieurs effets dont le principal est l'indisponibilité du solde bancaire saisi.

B/ Les effets de la saisie du compte bancaire

L'acte de saisie affecte l'ensemble des comptes du débiteur qui représentent des sommes d'argent15. Cependant, le créancier peut prendre la décision d'en limiter l'effet à certains comptes du débiteur16. En revanche, lorsque l'acte de saisie est signifié à une agence, il ne concerne que les comptes qui sont tenus dans ladite agence17.

La saisie d'un compte bancaire crée des obligations à la charge du banquier. Lorsqu'une saisie est opérée sur un compte bancaire, le premier effet est que le banquier ne peut pas opposer le secret bancaire. En effet, celui-ci doit déclarer la nature du ou des comptes du débiteur et leur position au jour de la saisie18. Si le banquier ne livre pas les renseignements que la loi lui impose, il sera condamné au paiement des causes de la saisie et à des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclarations inexactes ou mensongères19.

Cependant, le principal effet de la saisie est l'indisponibilité du solde, que ce soit en cas de saisie-attribution ou de saisie conservatoire. Il ressort de l'examen des textes d'origine législative20 qu'il s'agirait d'une indisponibilité partielle, s'appliquant seulement à une somme égale à celle pour laquelle la saisie est pratiquée. L'excédent demeure à la libre disposition du débiteur saisi.
En revanche, lorsque l'on se penche sur les textes d'origine réglementaire, on constate qu'il est énoncé que l'acte de saisie-attribution rend indisponible l'ensemble des comptes du débiteur21. Certains considèrent que cette règle prône une indisponibilité totale du solde22. Par ailleurs, cette interprétation semble confortée par le fait que le créancier peut limiter l'effet de la saisie à certains comptes, ce qui serait inutile en cas d'indisponibilité partielle23.
La supériorité de la valeur de la loi sur la valeur du règlement commanderait d'écarter la seconde au profit de la première et ainsi de retenir l'indisponibilité partielle. Cependant, une lecture combinée de ces textes pourrait permettre de considérer qu'en cas de saisie, l'ensemble des comptes du débiteur est saisi, chacun des comptes étant saisi à concurrence du montant de la cause de la saisie24.

Concernant la détermination du solde, il convient de distinguer les opérations en cours, dont la date est antérieure à la saisie, des opérations nouvelles, conclues après la date de la saisie. Les secondes ne peuvent pas influer sur le montant du solde. Les opérations en cours, quant à elles, sont susceptible de s'imputer sur le montant du solde selon une règle spéciale posée par la loi25. Cette règle énonce que le solde saisi n'est affecté que par le résultat cumulé des opérations en cours et non par chacune des opérations prise isolément. Par ailleurs, le solde ne peut être affecté que si le résultat cumulé des opérations est négatif. Ainsi, le résultat positif n'accroît pas les sommes saisies même si celles-ci sont insuffisantes pour satisfaire la créance26. Enfin, le résultat cumulé négatif ne s'impute sur les sommes saisies que si l'excédent non saisi est insuffisant pour absorber ce débit.

Ainsi, la saisie des comptes bancaires peut s'exercer en principe sur tous les comptes et rend le solde du compte indisponible. Sa mise en œuvre suscite, comme pour son principe et ses effets, des spécificités en raison de nature particulière du compte bancaire.

II/ Les spécificités de la mise en œuvre de la saisie du compte bancaire

Bien que les saisies prévues par le code des procédures civiles d'exécution ne s'appliquent qu'aux comptes bancaires détenus en France (A), l'Union européenne a récemment publié un Règlement27 visant à permettre la saisie à titre conservatoire de comptes détenus dans d'autres états membres (B).

A/ La saisie de comptes bancaires détenus en France

Le créancier peut recourir à la saisie-attribution des comptes bancaires de son débiteur afin d'obtenir le transfert immédiat de la somme correspondant au montant de sa créance. Pour y avoir recours, le créancier doit être muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible28. Cette saisie se fait par acte d'huissier signifié à la banque et elle ne peut être pratiquée qu'au siège de la banque ou dans une agence tenant le compte29. En cas de saisie d'un compte joint, elle doit être dénoncée à chacun des titulaires. En pratique, il est difficile pour un créancier de connaître les comptes dont le débiteur est titulaire. C'est pourquoi, il est permis à l'huissier porteur d'un titre exécutoire de demander à l'administration fiscale la communication de l'adresse des organismes financiers auprès desquels un compte est tenu au nom du débiteur30. L'administration ne peut pas non plus opposer le secret professionnel.

Dans le cas où le créancier ne détiendrait pas de titre exécutoire, il peut tout de même obtenir une autorisation judiciaire de procéder à une saisie conservatoire s'il démontre que sa créance est fondée en son principe et que son recouvrement est menacé. Cette autorisation n'est pas requise dans certains cas tels que le défaut de paiement d'une lettre de change ou d'un chèque31. Cette mesure conservatoire a pour effet de rendre indisponible le solde à concurrence du montant fixé par le juge ou du montant pour lequel la saisie est pratiquée. Lorsqu'un titre exécutoire est obtenu, la saisie-conservatoire est transformée en saisie-attribution, à défaut, elle devient caduque.

Enfin, un compte bancaire peut également faire l'objet d'un avis à tiers détenteur à l'initiative du Trésor public pour le recouvrement des créances fiscales et assimilés32. Son mécanisme est très proche de la saisie-attribution. En revanche, le tiers saisi n'est pas tenu des obligations d'information qui pèsent sur lui en cas de saisie-attribution33.

Les procédures de saisies de sommes d'argent s'appliquent ainsi à la saisie de compte bancaire avec quelques particularité. Un règlement a récemment été publié pour pallier la difficulté de l'hypothèse de comptes bancaire détenus dans d'autres états membres de l'Union européenne.

B/ La saisie des comptes bancaires détenus au sein de l'Union européenne

Le Règlement du 15 mai 201434 a été publié afin d'assurer plus aisément le paiement des créanciers sur des fonds détenus dans des états membres de l'Union européenne. Il crée ainsi une procédure d'ordonnance européenne de saisie conservatoire applicable aux créances civiles et commerciales35. Ce règlement s'applique depuis le 18 janvier 2017. Il s'agit d'une saisie conservatoire, les fonds du débiteur sont ainsi bloqués afin d'éviter qu'ils soient dilapidés ou transférés en fraude des droits du créancier. Cette procédure est ouverte tant aux particuliers qu'aux entreprises.

L'ordonnance de saisie conservatoire étant délivrée par une juridiction, il convient de déterminer le juge compétent. Lorsque le créancier n'a pas obtenu de titre exécutoire, les juridictions compétentes sont celles étant compétentes sur le fond. S'il a d'ores et déjà obtenu un titre exécutoire, les juridictions compétences sont celles ayant rendu la décision. En revanche, si le créancier est un professionnel et le débiteur, un consommateur, Les juridictions compétentes seront celles de l'état où le débiteur a son domicile.

Comme pour la saisie conservatoire de droit interne, le créancier doit démontrer qu'il est urgent de prendre cette mesure, plus spécifiquement, qu'il y a un risque réel que le recouvrement de sa créance soit empêché ou rendu sensiblement plus difficile. L'ordonnance délivrée est reconnue dans tous les autres états membres sans procédure spéciale et est exécutoire sans exequatur36.

La banque à laquelle l'ordonnance est adressée doit la mettre en œuvre sans délai. Les fonds faisant objet de la saisie conservatoire demeurent saisis soit jusqu'à ce que l'ordonnance soit révoquée, soit jusqu'à ce que prenne fin l'exécution de l'ordonnance, soit jusqu'à ce qu'une mesure en vue d'exécuter une décision, une transaction ou un acte authentique obtenue par le créancier au sujet de la créance que l'ordonnance visait à garantir ait pris effet en ce qui concerne les fonds saisis.


1Bonneau T., Droit bancaire, LGDJ, 2015, 11e éd, p. 315, n°431 ;
2Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2010, 17e éd, p. 645 ;
3Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2010, 17e éd, p. 646 ;
4Code des procédures civiles d'exécution, article L511-1, premier alinéa ;
5Gavalda C., Stoufflet J., Droit bancaire, LexisNexis, 8e éd, p. 253, n°415 ;
6Loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;
7Décret n°92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution ;
8Ordonnance n°2011-1895 du 19 décembre 2011 relative à la partie législative du code des procédures civiles d'exécution ;
9Décret n°2012 du 30 mai 2012 relatif à la partie réglementaire du code des procédures civiles d'exécution ;
10Bonneau T., droit bancaire, LGDJ, 11e éd, 2015, p. 360, n°493 ;
11Cass. 2e civ., 29 mai 1991, n°90-11.714 ;
12Cass. 2e civ., 31 mai 2001, RD bancaire et financier septembre-octobre 2001, p.292, obs. Lucas et Delleci ;
13Cass. 1re civ., 20 mai 2009, n°08-12.922 ;
14Code des procédures civiles d'exécution, article L162-2 ;
15Code des procédures civiles d'exécution, article R211-19 ;
16Code des procédures civiles d'exécution, article R211-21, premier alinéa ;
17CA Douai, 18 novembre 1993, Rev. Banque, janvier 1994, p. 93 ; D. 1995, p. 271 ;
18Civ2, 1er juillet 1999, n°96-19.108 ;
19Code des procédures civiles d'exécution, article R211-5 ;
20Code des procédures civiles d'exécution, articles L141-2 et L523-1 ;
21Code des procédures civils, article R211-19 précité ;
22Bonneau T., Droit bancaire, LGDJ, 2015, 11e éd, p. 363, n°493 ;
23Bonneau T., Droit bancaire, LGDJ, 2015, 11e éd, ibid ;
24Bonneau T., Droit bancaire, LGDJ, 2015, 11e éd, ibid ;
25Code des procédures civiles d'exécution, article L162-1, dernier alinéa ;
26Bonneau T., Droit bancaire, LGDJ, 2015, 11e éd, ibid ;
27Règlement n°655/2014/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 ;
28Code des procédures civiles d'exécution, article L211-1 ;
29CA Douai, 18 novembre 1993, précité ;
30Code des procédures civiles d'exécution, article L152-1 ;
31Code des procédures civiles d'exécution, article L511-2 ;
32Livre des procédures fiscales, articles L262 et L263 ;
33Cass. Mixte, 26 janvier 2007, n°04-10.422 ;
34Règlement n°655/2014/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014
35Règlement du 15 mai 2014, article 2 : ce règlement ne s'applique pas aux créances concernant les régimes matrimoniaux, les testaments et successions, les procédures collectives, les affaires de sécurité sociale et l'arbitrage ;
36Article 22 du Règlement ;

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