La plateforme de droit bancaire et financier des étudiants en Master 2 - Droit européen et international économique et de Droit des Affaires Approfondi - de l'Université Paris XIII

27 février 2017

MIFID II & TRANSPARENCE

LES APPORTS DE MIFID II EN MATIERE DE TRANSPARENCE

Jean François Khamad Dioh
(27/02/2017)

Résumé :
Afin de corriger les faiblesses révélées lors de la crise financière de 2008 et de tenir compte de l’évolution des marchés financiers, la directive Marchés d’Instruments Financiers 2 voit le jour. L’objectif était redonner confiance aux investisseurs dans le but que les places financières européennes restent attractives. Il fallait donc corriger les insuffisances de la MIF 1, qui a permis l’éclosion de procédés de transactions financières très peu contrôlées. Cela s’est fait principalement par le biais de la transparence. La directive MIF 2 a ainsi cherché à ce qu’un contrôle soit effectué sur  le maximum de transactions financières et les rendre les moins opaques possible. C’est en ce sens que de nouvelles règles ont imposé ce contrôle en amont et en aval de la négociation. La directive vient aussi rassurer les investisseurs en imposant aux entreprises d’investissement des règles qui assure l’investisseur de la prise en compte de ses intérêts en priorité.

Abstract:
In order to correct the weaknesses revealed during the 2008 financial crisis and to take account of developments in the financial markets, the Markets in Financial Instruments II Directive was created. The objective was to restore confidence in investors in order to keep European financial centers attractive. It was therefore necessary to correct the shortcomings of the MiFID 1, which allowed the emergence of financial control processes with little control. This was done mainly through transparency. MiFID 2 has therefore sought to ensure that the maximum amount of financial transactions is monitored and less opaque as possible. It is in this sense that new rules have imposed this control pre-trade and post-trade. The directive also reassures investors by imposing rules for investment firms that ensures the investor of the taking into account of his interests as a priority.



INTRODUCTION :

Dans un contexte de concurrence entre les places boursières, l’Europe a dû faire évoluer sa réglementation dans ce domaine afin de rester attractive surtout face aux Etats-Unis où l’on a assisté à la multiplication des marchés permettant d’effectuer des opérations financières. C’est dans cette optique que la directive Marchés d’Instruments Financiers 1 (MIF 1) du 21 avril 2004 vient poser des règles favorisant la concurrence entre marchés financiers au sein de l’Europe afin que ces marchés soient plus dynamiques et ainsi rester attractifs. Toutefois cette recherche d’attractivité s’est faite au détriment d’autres objectifs, tout aussi importants que devaient rechercher les marchés financiers, comme la transparence et la confiance des investisseurs. Cette transparence se manifeste d’abord par la publication en temps réel par les plateformes de négociation des prix et volumes des intérêts acheteurs et vendeurs. C’est la transparence pré-négociation. Ensuite la publication en temps réel par les plateformes de négociation et par les entreprises d’investissement des volumes et prix de leurs transactions. Il s’agit ici d’une transparence post-négociation[1]. L’insuffisance des mesures de transparence prévues par la directive MIF 1 à conduit à ce que de nombreuses opérations puissent être effectuées dans l’opacité la plus totale. Il a donc fallu remédier à cette situation, c’est en ce sens qu’un des principaux apports de la directive MIF 2  est le renforcement de la transparence dans les opérations financières. A côté du renforcement de la transparence la directive vient poser de nouvelles règles afin de préciser les responsabilités des producteurs et des distributeurs de produits financiers. Elle va aussi augmenter l’encadrement des avantages et rémunérations des acteurs de marchés financiers, impose une information sur la nature indépendante ou non du conseil fournie par les entreprises d’investissement et alourdie la réglementation des marchés de dérivés sur matières premières[2]. Son entrée en vigueur est prévue pour le 3 janvier 2018[3]Elle y arrive en modifiant la structure des marchés  financiers (I) et en étendant le périmètre des instruments financiers qui sont soumis à l’exigence de transparence [4] (II).

I- La nouvelle architecture imposée par les failles de la directive MIF 1

Pour voir  de quelle manière la transparence a été renforcé dans le fonctionnement du marché il convient de s’intéresser aux failles de la directive MIF 1 (A), avant de voir comment cette nouvelle directive remodèle l’architecture des marchés financiers (B).

      A- Les failles de la directive MIF 1

Le grand objectif de la directive MIF 1 est de stimuler la croissance en provoquant la concurrence. Pour arriver à cet objectif les différents modes de conclusion des transactions financières ont été mis en concurrence et une classification tripartie a été mise en place[5]. Cette classification est la suivante : à côté des marchés réglementés vont apparaître deux autres catégories, les systèmes multilatéraux de négociation et les internalisateurs systématiques. Les systèmes multilatéraux ont une définition assez proche de celles des marchés réglementés car organisent eux aussi la rencontre des intérêts acheteurs et vendeurs. En revanche dans l’internalisation des ordres c’est le professionnel qui se porte contrepartie de l’ordre de son client[6]. Ce qui tend à l’éloigner de l’idée de marché[7].En favorisant la concurrence entre les plateformes de négociations, les opérateurs ont trouvé le moyen de développer des structures parallèles opaques réservés aux professionnels. En 2009, il y avait 133 systèmes multilatéraux contre 90 marchés réglementés[8]. Cette montée en puissance s’est accompagnée d’une fragilisation des règles de transparence. Un grand nombre de systèmes multilatéraux se sont développés en se plaçant parmi les exceptions prévues. Cette situation a donné la possibilité de faire des transactions dont on ne pouvait pas connaitre les conditions. On assiste alors ainsi à la création des « dark Pools » qui opèrent sans aucune transparence pré-négociation[9]. Même si toutes les transactions doivent être notifiées avec l’obligation de transparence post négociation. En pratique, comme il n’y avait pas de support unique de ces informations, les « dark pools » parvenaient à ne pas fournir d’info sur les opérations exécutées.

A coté des « dark pools », d’autres systèmes de négociation voient le jour comme les « crossing networks ». Ils marient les ordres de client en sens inverse de manière bilatéral[10].  Ces systèmes ont progressivement donné naissance à de véritables plateformes mises en place par des établissements bancaires. Ces bassins d’opacité échappent aux règles de la MIF 1, notamment en matière de transparence pré négociation.

      B - Une classification remodelée par la directive MIF II :

Une nouvelle catégorie de plate forme organisée a été crée, il s'agit des systèmes organisés ou « Organized trading facilities »(OTF), cette nouvelle catégorie va englober les « dark pools » et « crossing networks ». Ce qui va permettre de faire entrer dans un système de surveillance plus étroit les structures qui se sont développée en marge. La directive MIF 2 conserve la classification tripartite et la remodèle. L’idée est de maintenir la concurrence entre les plateformes de négociation, c’est un objectif partagé avec la directive MIF 1. La directive MIF 2 a aussi pris en compte l’évolution technologique en encadrant au mieux le trading haute fréquence[11]. Ce mode de négociation basé sur les algorithmes permet d’exploiter les écarts de cotation dans un laps de temps réduit généralement des microsecondes, d’où le nom de trading haute fréquence. La base de cette technique de trading est d’identifier automatiquement par le biais d’ordinateur et de programme des opportunités d’investissements.

Certains voient un bénéfice pour animer la liquidité des marchés, mais d’autre considèrent que ces marchés faussent l’analyse des ordres pour les autres acteurs, ce qui rend le marché plus difficile à analyser. Le risque de cette technique est principalement le «flash crack»,  qui est un effondrement des cours de la bourse qui dure quelques secondes ou quelques minutes. Cela s’est produit à plusieurs reprises[12]. En effet le marché est déstabilisé à cause de vente massive, ce qui entraîne une chute brutale des cours. En matière de trading haute fréquence, la directive MIF 2 pose une réglementation qui vise à s’assurer de l’intégrité du marché[13] afin d’empêcher que cette technologie soit utilisée à des fins de manipulation du marché, et empêcher le fonctionnement désordonné du marché qui peuvent en résulter[14].

II - Un accroissement de l’exigence de transparence

Les règles de transparence existaient déjà dans la directive MIF 1 mais elles étaient difficiles à appliquer, et ont permis de développer les transactions opaques. La directive MIF 2 vient donc de mettre en place des règles qui pourront s’appliquer quelque soit l’opération. Cette exigence de transparence a un champ d’application plus étendu avec la directive MIF 2 (A) et son renforcement s’accompagne de mesures destinées à regagner la confiance des investisseurs dans les marches financiers (B).

      A - L’extension du champ d’application de l’obligation de transparence

La directive MIF 2 vient étendre l’exigence de transparence à des milliers d’instruments financiers alors qu’avec MIF 1[15]  environ 6000 instruments financiers étaient déjà concernés. Cette extension considérable a pour but de réduire le nombre de transactions qui se font dans des conditions opaques.

En plus d’accroître le nombre d’instruments financiers devant être soumis aux règles de transparence pré et post négociation, la directive vient aussi réduire les possibilités d’effectuer des opérations qui ne respectent pas ces obligations en réduisant les exceptions à l’obligation de transparence pré et post négociation qui existaient[16]. Un des objectifs de la directive est de réduire les transactions de gré à gré c'est-à-dire hors marché réglementé. C’est en ce sens qu’elle prévoit  pour les actions cotées une obligation d’échanger ses actions sur un marché réglementé, un système multilatéral ou via un internalisateur systématique ou des plateformes d’un pays tiers jugé équivalent[17]. Des exceptions sont prévues lorsqu’il s’agit de transactions ponctuelles de négociations entre professionnels ou d’opération qui n’auront pas d’influence sur la fixation du prix[18]. De ce fait ces opérations marginales ont été laissées dans un système opaque.

Cette extension du champ de la transparence est nécessaire afin de redonner confiance aux investisseurs. En effet, la transparence apporte aux investisseurs plus de visibilité, ce qui est un élément fondamental pour la protection des investisseurs et l’ouverture du marché aux plus petits acteurs.

      B-      La recherche de la confiance des investisseurs à travers la transparence

Suite à la crise de 2008 il fallait redonner confiance aux investisseurs afin que les marchés financiers européens soient attractifs. Cet objectif s’est fait par un renforcement de la transparence pré et post négociation. Pour les obligations pré négociations, les marchés doivent assurer en continu une diffusion des prix acheteurs et vendeurs et des volumes. Pour les obligations post négociations tous les opérateurs et plateformes doivent diffuser en temps réel les prix les produits et les heures de transactions[19].
De plus, il fallait trouver des mécanismes qui montrent à l’investisseur que ces intérêts sont protégés. Ainsi la directive met en place des obligations à la charge des entreprises d’investissement afin qu’elles prennent toutes les mesures suffisantes pour obtenir, lors de l’exécution des ordres, le meilleur résultat possible pour leurs clients[20]. C’est dans cette même logique qu’il est aussi interdit aux entreprises d’investissement, pour des raisons de conflit d’intérêt, de recevoir une rémunération pour l’acheminement d’ordres vers une plate-forme de négociation[21].


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[1] AMF, Dossier thématique : Marchés d’instruments financiers, 15 septembre 2014, http://www.amf-france.org/Reglementation/Dossiers-thematiques/Marches/Directive-MIF/La-nouvelle-directive-et-le-reglement-Marche-d-instruments-financiers--MiFID-et-MiFIR--ont-ete-publies.html
[2] AMF, De MIF 1 à MIF 2, les principaux apports de MIF 2, 24 octobre 2016, http://www.amf-france.org/Acteurs-et-produits/Marches-financiers-et-infrastructures/De-MIF-1-a-MIF-2/Les-principaux-apports-de-MIF-2.html
[3] Esma, Timefram, https://www.esma.europa.eu/policy-rules/mifid-ii-and-mifir
[4] AMF, De MIF 1 à MIF 2, les principaux apports de MIF 2, 24 octobre 2016, http://www.amf-france.org/Acteurs-et-produits/Marches-financiers-et-infrastructures/De-MIF-1-a-MIF-2/Les-principaux-apports-de-MIF-2.html
[5] J-J. Daigre, De la la directive de de 1993 à celle de de 2004 : d’un modèle de marché à un autre, Banque et droit n°102, juill/août 2005 p.7
[6] AMF, Marchés financiers & infrastructures Autres lieux de négociation: Internalisateur systématique, 30 Avril 2013,
http://www.amf-france.org/Acteurs-et-produits/Marches-financiers-et-infrastructures/Autres-lieux-de-negociation/Internalisateur-systematique.html
[7] Anne Muller, droit des marchés financiers et droit des contrats, économica, 2007 p.15
[8] Rapport Fleuriot 20 décembre 2011
[9] AMF, Fiche presse : Les enjeux liés à l’émergence des Dark pools et des crossing networks, 20 octobre 2009, P.2
[10] AMF, Fiche presse, Ibid.
[11] AMF, De MIF 1 à MIF 2: Les principaux apports de MIF 2, 24 octobre 2016,
http://www.amf-france.org/Acteurs-et-produits/Marches-financiers-et-infrastructures/De-MIF-1-a-MIF-2/Les-principaux-apports-de-MIF-2.html
[12] Andrei Kirilenko, Albert S. Kyle, Mehrdad Samadi, Tugkan Tuzun « The Flash Crash: The Impact of High Frequency Trading on an Electronic Market » 5 mai 2014
[13] AMF, De MIF 1 à MIF 2: Les principaux apports de MIF 2, 24 octobre 2016,
http://www.amf-france.org/Acteurs-et-produits/Marches-financiers-et-infrastructures/De-MIF-1-a-MIF-2/Les-principaux-apports-de-MIF-2.html
[14] AMF, De MIF 1 à MIF 2, Trading haute fréquence, Ibid.
[15]AMF, De MIF 1 à MIF 2, structure de marché/ Transparence, Ibid.
[16]AMF, De MIF 1 à MIF 2, structure de marché/ Transparence,  Ibid.
[17] AMF, De MIF 1 à MIF 2, structure de marché/ Transparence,  Ibid.
[18] AMF France.org, Dossier thématique : Marchés d’instruments financiers, 15 septembre 2014,
http://www.amf-france.org/Reglementation/Dossiers-thematiques/Marches/Directive-MIF/La-nouvelle-directive-et-le-reglement-Marche-d-instruments-financiers--MiFID-et-MiFIR--ont-ete-publies.html
[19] AMF, De MIF 1 à MIF 2, structure de marché/ Transparence,  Ibid.
[20] Article 27 -1  alinéa 2, directive MIF 2
[21] Article 27- 2, directive MIF 2

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