La plateforme de droit bancaire et financier des étudiants en Master 2 - Droit européen et international économique et de Droit des Affaires Approfondi - de l'Université Paris XIII

23 mars 2017

LES APPORTS DU PAQUET MIF II


LES APPORTS DU PAQUET LÉGISLATIF MIF II À LA RÉGLEMENTATION FINANCIÈRE

Stéphane MAIGRET 

(6 février 2017)


Résumé
Le paquet législatif sur les marchés d’instruments financiers (MIF 2) comprend une directive et un règlement. Ces derniers ont été publiés le 12 juin 2014. Cependant le paquet n’a été transposé en droit interne français qu’au 23 juin 2016 par ordonnance, qui entrera en vigueur le 3 janvier 2018. Le paquet MIF 2 modifie le régime mis en place par la première directive sur les marchés d’instruments financiers de 2004, en vue de répondre aux nouveaux enjeux liés à l’évolution des technologies et aux révélations de la crise de 2007. Le but de cette présentation est d’étudier les apports de ce paquet des points de vue macro- et micro-économiques.


Summary
The legislative package on markets in financial instruments (MFI) includes both a directive and a regulation. They were published the 12th of June 2014. However it was only transpose in internal French law the 23th of June 2016 by ordinance, which will come into force the 3rd of January 2018. The MFI’s package modify the existant plan run by the first directive upon markets in financial instruments of 2004, in order to answer new issues led by the evolution of technology and the revelations of the 2007’s crisis. The purpose of this project is to study the contribution of this package from a macro- and a micro-economical perspective.



Introduction


            En 1993, la directive sur les services d’investissement[1] (DSI) a « instauré le marché intérieur des services financiers »[2]. Critiquée notamment pour ce qu’elle portait atteinte à la concurrence entre les marchés en son article 14 §3 – qui permettait aux États d’instituer une obligation de concentration, à charge pour eux de prévoir des dérogations – celle-ci a été remplacée par la directive sur les marchés d’instruments financiers[3] (MIF) en 2004.
En France, l’obligation de concentration a été mise en place, avec l’obligation d’intermédiation, aux anciens articles L. 421-6 et suivants du Code monétaire et financier (CMF), qui exigeaient de passer par un prestataire de services d’investissements pour négocier et contracter sur des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé, à peine de nullité. Conformément au droit communautaire, des dérogations étaient effectivement prévues par les textes.
            La directive MIF a donc exclu cette obligation de concentration, et s’est plutôt focalisée sur l’organisation de « la concurrence entre les lieux d’exécution, à savoir les marchés réglementés, les systèmes multilatéraux de négociation et les internalisateurs systématiques »[4].
Si la directive a effectivement rempli ses objectifs, qui consistaient à « renforcer l’intégration, la compétitivité et l’efficience des marchés financiers de l’Union »[5], celle-ci n’a pas su répondre aux nouveaux enjeux structuraux et de transparence en matière financière, et certains en retiennent même un « bilan médiocre »[6].
            Une seconde directive concernant les marchés d’instruments financiers[7], (MiFID 2) et un règlement concernant les marchés d’instruments financiers[8] (MiFIR 2), publiés ensemble le 12 juin 2014, ont modifié le régime de la régulation financière. Ce paquet législatif (MIF II) doit être rapproché d’autres textes européens, notamment : du règlement européen sur les abus de marché[9], ainsi que du règlement sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux[10], ou du règlement relatif à la transparence des opérations de financement sur titres et de la réutilisation[11].
Celle-ci est marquée par le passage d’une « optique assez libérale » à une « conception plus dirigiste »[12]. De fait, la crise financière débutant en 2007 a mis au jour des failles et de nouveaux défis, notamment en ce qui concerne l’utilisation des technologies de pointe dans la finance ou en ce qui concerne la transparence.
L’ordonnance de transposition[13] a tout juste été publiée le 23 juin 2016, qui n’entrera d’ailleurs en vigueur qu’au 3 janvier 2018.
            Au demeurant, il convient de s’interroger sur les apports de la directive en vue de répondre aux nouveaux enjeux de la pratique financière.
D’une façon générale, l’on peut constater que les apports de la directive concernent d’une part la structure du marché (I), et d’autre part les acteurs du marché eux-mêmes (II).

            Au terme des apports structurels, le paquet MIF II prévoit deux mesures phares : la création d’une nouvelle catégorie de marchés, en sus de ceux qu’avait créée la directive MIF (A) ; ainsi qu’un meilleur encadrement de la transparence des marchés financiers (B).

            Au terme de l’article 4 §1 point 23 de la directive, un système organisé de négociation est « un système multilatéral […] au sein duquel de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers […] peuvent interagir d’une manière qui aboutisse à la conclusion de contrats ».
Ces nouvelles catégories de marchés ont émergé sur « la nécessité de renforcer la réglementation, notamment lorsque les transactions ont lieu de gré à gré »[14].
C’est pourquoi l’article 18 §7 de la directive impose aux systèmes organisés de négociation d’avoir « au moins trois membres ou utilisateurs significativement actifs, chacun d’eux ayant la possibilité d’interagir avec tous les autres en matière de formation des prix », il apparait que ces systèmes concernent en effet « du gré à gré pur »[15].
À leur propos, il convient de souligner que si l’article 18 §3 de la directive impose que l’accès à ces nouveaux marchés se fasse selon « des règles transparentes et non-discriminatoires, sur la base de critères objectifs », ces règles sont établies de façon discrétionnaires par le gestionnaire du système[16].
            Il convient désormais d’observer les apports de la directive quant à la transparence des marchés financiers.

            En ce qui concerne la transparence du marché, le paquet MIF II encadre la négociation sur les marchés financiers (1), et particulièrement le marché de dérivés sur matière première (2).

            L’encadrement de la négociation par le paquet MIF II s’articule autour de deux mesures : certaines quant à la transparence de la négociation (a), d’autres quant à la négociation haute fréquence (b).
            Le paquet opère une « nette distinction entre la transparence pré-négociation et la transparence post-négociation »[17].
            D’abord l’obligation de transparence pré-négociation « voit son domaine élargi, principalement à raison de son objet »[18], puisqu’au terme de l’article 8 du règlement, celle-ci s’applique à toutes les plateformes de négociations « pour les actions comme c’était déjà le cas mais également pour les obligations, produits financiers structurés, quotas d’émission et instruments dérivés »[19].
Plus précisément, l’article 8 du règlement dispose que les entreprises d’investissement « rendent publics les prix acheteurs et vendeurs actuels et l’importance des positions de négociations exprimées à ces prix ».
            Quant à la transparence post-négociation, elle fait intervenir un professionnel spécialement créé : le prestataire de services de communications de données, visé par le titre V de la directive. Soumis à agrément, ces professionnels gèrent une base de donnée « regroupant toutes les données de marché et permettant aux investisseurs d’avoir connaissance des activités de post-négociation »[20].
            En outre, la directive encadre la négociation dite « haute fréquence ».

            Fruit de l’innovation technologique, la négociation haute fréquence permet de négocier et conclure des opérations sans intervention humaine à des vitesses de l’ordre de la milliseconde. Plus particulièrement, on parle de négociation algorithmique.
L’article 17 MiFID 2 encadre ce marché, en imposant aux entreprises d’investissement y recourant de disposer « de systèmes et contrôles des risques efficaces et adaptés […] pour garantir que ses systèmes de négociation sont résilients ». En outre, la directive prévoit que ces systèmes soient soumis à des seuils, et préviennent l’envoi d’ordres susceptibles de perturber le marché. L’article 48 MiFID 2 traite plus particulièrement de la résilience des systèmes, et prévoit notamment la mise en place de coupe-circuits « pour suspendre ou limiter temporairement les transactions en cas de fluctuations soudaines et inattendues de prix »[21], à l’image d’un fusible.
            Par ailleurs, le paquet MIF 2 prévoit un régime tout particulier en ce qui concerne les dérivés sur matières premières.

            Le Titre IV de la directive MiFID 2 prévoit « des dispositions spécifiques aux dérivés sur matières premières »[22]. Plus précisément, les positions sur ces marchés sont limitées et contrôlées. Au titre de l’article 2 MiFID 2 néanmoins, les entreprises ne pratiquant ces activités qu’à titre accessoires sont exemptées de ces obligations.
L’article 57 MiFID 2 dispose en effet que les États doivent veiller « à ce que les autorités compétentes, conformément à la méthodologie de calcul déterminée par l’AEMF, établissent et appliquent des limites de positions sur la taille d’une position nette qu’une personne peut détenir à tout moment sur les instruments dérivés sur matières premières négociées sur des plates-formes de négociation et sur les contrats de gré à gré économiquement équivalents ».
En outre, l’article suivant met en place différents régimes de déclaration incombant aux acteurs des marchés sur matière première. L’article 58 §2 exige notamment des personnes détenant des instruments financiers dérivés sur matières premières, des quotas d’émission de CO2 ou dérivés, de fournir une déclaration quotidienne. La déclaration doit se faire à l’autorité compétente géographiquement, ou à l’autorité compétente centrale lorsque les volumes sont significatifs et que la négociation a lieu sur plusieurs plateformes dans plus d’un État.
Cette déclaration vise « ventilation complète des positions qu’elles ont prises sur des instruments dérivés sur matières premières ou des quotas d’émission ou des instruments dérivés sur ceux-ci négociés sur une plate-forme de négociation et sur des contrats de gré à gré économiquement équivalents, ainsi que de celles de leurs clients et des clients de ces clients jusqu’au client final ».

            Outre les apports quant à la réglementation des marchés, le paquet MIF II adopte une série de mesures qui concerne plus particulièrement certains acteurs du marché, et doivent être abordées.

            Les apports du paquet législatif MIF II concernent principalement la protection des investisseurs (A), et dans une moindre mesure les autorités compétentes (B).

            La  directive prévoit des mesures « visant à garantir aux investisseurs une protection adéquate »[23] aux articles 24 et suivants. Au terme de la directive, les entreprises d’investissement doivent agir d’une manière « honnête, équitable et professionnelle » dans le meilleur intérêt de leurs clients. En outre, les entreprises d’investissement sont tenues d’ « établir des politiques efficaces pour déterminer la catégorie de clients à laquelle les produits et services doivent être fournis »[24].
            Dans cette optique, des mesures relatives à la gouvernance des produits ont été mises en place, les articles 16 §3 et 24 §2 MiFID 2 partagent entre les producteurs et les distributeurs de produits financiers des obligations respectives : les producteurs sont tenus de mettre en place des dispositifs de validation, d’identifier des marchés cibles et d’un devoir d’information à l’égard des distributeurs auxquels ils fournissent leurs produits ; les distributeurs d’un devoir de se renseigner sur les produits qu’ils acquièrent et d’en évaluer la compatibilité avec les besoins de leurs clients, notamment par rapport aux marchés cibles défini par les producteurs.
En outre, l’article 24 §7 MiFID 2 introduit la notion de conseil indépendant. Au terme de la directive, les entreprises d’investissement doivent informer leurs clients de l’indépendance des conseils qu’elles fournissent. Plus précisément, elles doivent « préciser si elles agissent de manière indépendante ou non »[25]. Dans cette lignée, les articles 24 §7 b) et 24 §8 MiFID 2 encadrent les avantages et rémunérations que peuvent percevoir les entreprises d’investissement, en ce qu’il leur est interdire d’en percevoir ou d’en conserver de la part d’un tiers : lorsqu’elle fournit des conseils de manière indépendante à son client ; lorsqu’elle gère pour son client un portefeuille.
            Enfin, il convient d’aborder les mesures prévues par le paquet législatif MIF II en ce qui concerne les autorités compétentes.

            Le paquet MIF II modifie le régime des autorités financières. Plus particulièrement, il l’étend considérablement en ce que les articles 57 et 58 MiFID 2 confient à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) une « imposante mission de [la] rédaction de normes techniques dans de nombreux domaines »[26].
D’une façon plus générale, l’AEMF partage sa compétence avec d’autres autorités, notamment l’Autorité bancaire européenne (ABE), puisqu’en effet les articles 40 et 41 MiFIR 2 permettent à l’AEMF ainsi qu’à l’AEB de « temporairement interdire ou restreindre dans l’Union » certains produits. Les articles suivants disposent de l’articulation des compétences de ces deux autorités, ainsi que de celles de l’AEMF et des autorités nationales, qui partagent des compétences avec les autorités européennes, notamment en matière de gestion de position.


[1] Directive n°93/22/CEE du Conseil, du 10 mai 1993, relative aux services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières.
[2] T. Bonneau, « Aperçu général de la directive et du règlement du 15 mai 2014 », RD bancaire et fin. n°6, novembre 2014, dossier 59, §3.
[3] Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers.
[4] T. Bonneau, ibid., §3.
[5] T. Bonneau, ibid. ,§3.
[6] B. François, « Admission sur les marchés financiers, offre au public de titres financiers, placement privé et financement participatif », Rép. Soc. Dalloz, octobre 2016, §132.
[7] Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers.
[8] Règlement 600/2014/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers.
[9] Règlement 596/2014/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché.
[10] Règlement 648/2012/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux.
[11] Règlement 2015/2365/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relatif à la transparence des opérations de financement sur titres et de la réutilisation.
[12] A.-C. Muller, « Marché d’instruments financiers », RD bancaire et fin. n°5, septembre 2014, comm. 187.
[13] Ordonnance n° 2016-827 du 23 juin 2016 relative aux marchés d'instruments financiers.
[14] B. François, ibid., §155.
[15] A.-C. Muller, ibid.
[16] A.-C. Muller, ibid.
[17] T. Bonneau, ibid., §21.
[18] A.-C. Muller, ibid.
[19] A.-C. Muller, ibid.
[20] B. François, ibid., §158.
[21] B. François, ibid., §157.
[22] AMF, « De MIF 1 à MIF 2 : Les principaux apports de MIF 2 », http://www.amf-france.org/Acteurs-et-produits/Marches-financiers-et-infrastructures/De-MIF-1-a-MIF-2/Les-principaux-apports-de-MIF-2.html, 24 octobre 2016, Matières premières.
[23] B. François, ibid., §160.
[24] B. François, ibid., §160.
[25] AMF, ibid., Conseil « indépendant ».
[26] A.-C. Muller, ibid.


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