La plateforme de droit bancaire et financier des étudiants en Master 2 - Droit européen et international économique et de Droit des Affaires Approfondi - de l'Université Paris XIII

2 mai 2017

LE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT


LE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

Vers une analyse des instruments de financement et de l’origine des fonds destinés au développement : les cas de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement et de l’Agence Française de Développement





Par Mme Clémence Marie Noëline BOUCHET



RÉSUMÉ

Nous associons bien trop souvent le Développement au mécanisme de financement qu’est la donation. En effet, il existe une croyance forte selon laquelle seuls les dons financent, de manière exclusive, le Développement. Or cette croyance est erronée car bien trop loin de la réalité.

Cet article a pour objectif de fournir un panorama complet du financement du Développement. Pour cela, deux grands axes seront traités. D’une part, nous nous intéresserons aux moyens et aux outils dont disposent les différents acteurs pour financer le Développement et d’autre part, nous étudierons l’origine de ces financements.

Dans une perspective pédagogique, cet article a vocation à être un guide pour la meilleure compréhension de l’interaction des nombreux acteurs du Développement et de leur rôle respectif.


ABSTACT

Development is often only mistaken and reduced to donations. In fact, there is a common belief that only donations fund International Development. It is a rather false belief when it comes to apprehend the complex social reality of Development.

This paper is meant to offer a complete overview of the financing of Development. Regarding this ambition, two main axes will be set out. First of all, we will look at the different means and tools used by actors of Development. Then, we will analyse the origins of the funds directed towards Development.

From a pedagogic perspective, this paper is meant to be used as a guide for a better understanding of the interactions between the numerous actors of Development and of their respective roles.



INTRODUCTION

Comprendre le financement du Développement implique tout d’abord, de connaître les acteurs qui participent à ce financement et ensuite, de savoir quel rôle joue ces acteurs du Développement[1]. À titre introductif, il est donc essentiel de déterminer quels sont ces acteurs et de préciser leurs fonctions.

Les acteurs finançant le Développement sont multiples et variés. La classification des différents organismes de développement se fait traditionnellement selon deux perspectives : l’une amène à penser les acteurs du Développement en fonction de leur spécialisation géographique et sectorielle (tel que le Fonds Fiduciaire d’Urgence de l’Union Européenne pour l’Afrique), l’autre se fonde davantage sur le cadre qui est donné à l’action de ces acteurs dans le Développement. En effet, il est d’usage courant de différencier les organismes multilatéraux à vocation mondiale (tel que le groupe Banque Mondiale), à vocation régionale voire sous-régionale (telle que la Banque Africaine de Développement) des organismes bilatéraux (telle que l’Agence Française de Développement). De même, il est classique d’opposer les bailleurs de fonds (telle que l’Union Européenne) aux organisations non gouvernementales et à la société civile (telle que l’Agence d’aide à la coopération technique et au développement, ACTED).

Ces organismes remplissent deux fonctions principales, à savoir, « la mobilisation de fonds et l’assistance aux gouvernements en matière de stratégies et de programmes de développement »[2].

Il importe de détailler le régime juridique qui encadre le financement du Développement.

Il nous faudra dans un premier temps, déterminer quels sont les instruments de financement dont disposent ces acteurs (I). Dans un second temps, il conviendra de clarifier l’origine des financements que ces acteurs canalisent vers le financement du Développement (II).



I.                Les instruments de financement mis à la disposition des acteurs du Développement International

Sans détailler le fonctionnement de chacun de ces instruments, il conviendra de distinguer les instruments de financement du Développement mis à la disposition des organismes multilatéraux à vocation mondiale telle que la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (A) de ceux mis à la disposition des organismes bilatéraux (B) et tout particulièrement, ceux mis à la disposition de l’Agence Française de Développement (ci-après dénommée « AFD »).

A) Les instruments de financement du Développement mis à la disposition des organismes multilatéraux de Développement : le cas de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement

La Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (ci-après dit « BIRD ») a pour fonction principale d’offrir aux Etats membres éligibles une variété de produits d’emprunt pour aider ces pays à atteindre leurs objectifs en matière de Développement[3]. Il existe deux types de prêts proposés par la BIRD : le prêt dit « flexible »[4] et le prêt dit « conditionnel »[5].

Concernant le prêt flexible, il a pour avantage de permettre à l’emprunteur d’adapter les conditions de remboursement. Ces conditions sont fixées lors de la négociation du prêt. Le prêt flexible permet de gérer la monnaie de support mais aussi, le taux d’intérêt appliqué à celui-ci durant toute sa durée. En effet, et afin de gérer le risque de devise, il est prévu qu’une option de conversion puisse s’appliquer, laquelle « permet de changer la monnaie dans laquelle sont libellés les soldes non décaissés ou décaissés »[6]. De la même manière, pour les prêts avec une majoration fixe, il est prévu que l’emprunteur puisse passer « d’un taux flottant à un taux fixe »[7] et ce, afin de gérer le risque de taux d’intérêt.

Le prêt conditionnel, également connu sous l’appellation d’option de tirage différé, est quant à lui utilisé pour obtenir, de manière immédiate, des liquidités en cas d’évènements tels qu’une catastrophe naturelle ou une récession économique[8]. Dans tous les cas, les prêts de la BIRD sont accordés ou garantis par les gouvernements des États membres.

Outre les prêts, la BIRD fournit des garanties. L’accord de garantie désigne l’accord conclu entre un Etat membre de la banque et la banque elle-même en vue de garantir un prêt[9].

D’une manière générale, le champ des concours financiers dont dispose la BIRD est très réduit. En effet, ces concours ne représentent que 30 à 40% du coût total des projets de Développement. D’ailleurs, la moitié de tous les projets de Développement International aidés par la BIRD bénéficie d’autres concours financiers (le co-financement).

Les organismes de développement multilatéraux à vocation mondiale, telle que la BIRD, disposent ainsi d’une faible diversité d’instruments de financement du Développement. Nous verrons que les organismes bilatéraux de développement n’hésitent pas à mettre à la disposition des pays bénéficiaires de multiples instruments financiers, permettant ainsi de concevoir le Développement comme une notion plurielle et non comme une notion unique et invariable.

B)    Les instruments de financement du Développement mis à la disposition des organismes bilatéraux : le cas de l’Agence Française de Développement

L’Agence Française de Développement est, selon l’article R. 513-22 du Code Monétaire et Financier (ci-après dit « CMF »), un « établissement de crédit spécialisé qui exerce une mission permanente d’intérêt public au sens de l’article L.511-104 »[10]. Ainsi, l’AFD peut « effectuer des opérations de banque afférentes à cette mission ».

Le champ des concours de l’AFD est très large. En effet, il l’est en terme de typologie puisque selon l’article R.513-25 du CMF, les concours de l’Agence « peuvent être consentis sous forme de prêts, d’avance, de prises de participation, de garanties, de dons ou de toute autre forme de concours financier ».

Ainsi, selon les dispositions légales, l’AFD finance le développement par le biais d’instruments variés. Dans tous les cas, le choix des aides utilisées dépend, en outre, de l’endettement du pays bénéficiaire, du potentiel économique du projet, du niveau de développement du pays et de la capacité du partenaire.

Concernant les prêts, ceux-ci peuvent être octroyés soit à un Etat, à un organisme public bénéficiant d’une garantie d’un Etat (prêt souverain) soit, ces prêts sont accordés à une entité (entreprise, organisme privé ou public) ne bénéficiant pas d’une telle garantie (prêt non souverain). Le champ des concours de  l’AFD est donc également large en terme de destinataires. L’article R.513-25 du CMF dispose d’ailleurs que ces concours peuvent être consentis « aux Etats, à des organisations internationales, à des personnes morales de droit public ou droit privé, à des organisations non gouvernementales engagées dans le développement ou à des personnes physiques ». Les prêts souverains comme non-souverains peuvent être accordés soit, à des conditions de marché (prêts non concessionnels) soit à des conditions bonifiées (prêts concessionnels).

Dans les prêts que les banques octroient, l’AFD peut apporter sa garantie permettant ainsi de diminuer, en le partageant, le risque pris par celles-ci. En effet, le dispositif ARIZ[11] (Assurance pour risque du financement et de l’investissement privé en zone d’intervention) a été mis en place en 2000 par l’AFD. Ce dispositif permet, en outre, aux institutions de micro-finance d’accéder plus facilement aux ressources bancaires. L’« ARIZ garantie individuelle » permet un partage de risque accordé prêt par prêt alors que l’« ARIZ garantie de portefeuille » permet un partage de risque accordé pour un portefeuille de crédits[12].

Le recours aux subventions fait quant à lui, l’objet de certaines restrictions. En effet, les subventions sont prioritairement destinées aux pays les plus pauvres. Une liste de pays prioritaires est d’ailleurs arrêtée. Ces pays bénéficient d’au moins la moitié des subventions de l’Etat et des deux tiers de celles mises en œuvre par l’AFD[13].

Les instruments de financement dont dispose l’AFD sont donc classiques. Le seul outil particulier (en ce qu’il constitue une singularité française[14]) mis à la disposition de l’AFD est le contrat de désendettement et de développement (plus communément appelés C2D). En effet, dans le cadre de l'article R. 516-7 du CMF[15], l'AFD est chargée par Convention du 29 décembre 2003[16], conclue avec les Ministres chargés de l'Économie, des Finances et des Affaires étrangères, de mettre en œuvre des contrats de désendettement et de développement. C’est, en pratique, la transformation d’une partie de la dette en dons afin d’alléger le poids des dettes contractés par le pays bénéficiaire[17].

Il convient de préciser quelles sont les origines des financements proposés par ces mêmes acteurs (II).

II.             L’origine des fonds servant au financement du Développement



Dans ce titre, il s’agira d’exposer comment les acteurs se dotent de capitaux leur permettant de financer le Développement. Pour cela, nous préciserons dans un premier temps quelles sont les ressources des organismes multilatéraux à vocation mondiale et, notamment celles de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (A) pour, dans un second temps, s’intéresser à l’origine des fonds utilisés par l’organisme bilatéral de Développement français, l’AFD (B).


A)   Les ressources de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement

Pour financer les projets de développement dans les pays membres, la BIRD s’approvisionne par le biais de deux mécanismes.

D’une part, la Banque finance ses prêts en mobilisant ses fonds propres. Ses fonds propres qui sont eux, constitués par le capital libéré et les réserves de la Banque. Car en effet, une partie des ressources de la BIRD provient des souscriptions des États-membres (quotes-parts)[18]. D’autre part, la Banque emprunte sur les marchés financiers par l’émission d’obligations de la Banque mondiale[19]. Pour cela, la BIRD a recours à des émissions qui sont soit à caractère mondial soit adaptées aux besoins de marchés spécifiques.

De cela, nous voyons que l’approvisionnement de la BIRD en fonds destinés au Développement International est double, bien que majoritairement constitué par l’émission d’obligations sur les marché financiers internationaux.

Les organismes multilatéraux à vocation mondiale s’approvisionnent de manière classique et les organismes bilatéraux suivent eux-aussi ce modèle d’approvisionnement, à la différence que souvent, ces derniers bénéficient de ressources publiques de l’État dont ils dépendent.



B)    L’origine des fonds mobilisés par l’Agence Française de Développement

L’origine des financements dont dispose l’AFD est, elle aussi, de deux types. En effet, l’approvisionnement en fonds destinés au Développement se fait par le biais de deux mécanismes différents.

Tout d’abord, l’AFD emprunte elle-même pour pouvoir ensuite prêter et ce, via l’émission obligataire sur les marchés financiers internationaux. En effet, selon l’article R.513-29 du CMF, l’AFD « emprunte à court, moyen et long terme, en France et à l'étranger, soit auprès d'organismes financiers, soit par émission de bons, de billets, de valeurs mobilières ou de tout autre titre de créance. Elle effectue toute opération financière nécessaire à son activité ». La bonne notation[20] des émissions de l’AFD lui permet d’accorder, à son tour, des prêts à des conditions favorables à ses bénéficiaire. Grâce à ce mécanisme, l’AFD se constitue des fonds propres.

Ensuite, l’ADF dispose de ressources de l’Etat. En effet, elle bénéficie de fonds publics pour financer des projets de développement[21]. En contrepartie et en application de l'article 79 de la loi de finances rectificative n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 modifié par l'article 88 de la loi de finances rectificative n° 2003-1312 du 30 décembre 2003, l'Etat peut percevoir un dividende sur le résultat de l'Agence[22].

Ainsi, l’origine des fonds destinés au Développement mobilisés par l’AFD est double. La majorité des fonds provient des marchés financiers mais, sont utilisées également, de manière minoritaire, les ressources publiques de l’Etat.



[1] P. GUIRLET, Guide des organismes internationaux. Financement multilatéral et développement, 1994, Paris, Les Éditions du CFCE, deuxième édition.
[2] P. GUIRLET, Guide des organismes internationaux. Financement multilatéral et développement, 1994, Paris, Les Éditions du CFCE, deuxième édition, page 15.
[3] International Bank for Reconstruction and Development, Articles of Agreement (as amended effective June 27, 2012), Article I.
[4] Prêt flexible de la BIRD : Principaux Termes et Conditions, La Fiche Produit, The World Bank, 2014.
[5] Manuel du service de la dette, Banque Mondiale, Juin 2009.
[6] Prêt flexible de la BIRD : Principaux Termes et Conditions, La Fiche Produit, The World Bank, 2014.
[7] Ibid.
[8] Guide des prêts pour les emprunteurs de la Banque Mondiale, page 17, Février 2017, World Bank Group. URL : http://siteresources.worldbank.org/BORROWERPORTAL/Resources/Disb_Handbook_French.pdf
[9] Conditions générales applicables aux accords de prêt et de garantie pour les Prêts à Spread Fixe, Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement.
[10] Article L.511-104 du Code Monétaire et Financier dispose qu’un « Etat peut confier une mission permanente d’intérêt public à un établissement de crédit ou une société de financement qui peut effectuer des opérations de banque afférentes à cette mission dans les conditions définies par décret en Conseil d’Etat ».
[11] « ARIZ : le dispositif de partage de risque de l’AFD », Agence Française de Développement. URL : http://www.afd.fr/webdav/site/afd/shared/PORTAILS/PUBLICATIONS/PLAQUETTES/AFD-ARIZ-FR.pdf
[12] Site officiel de l’Agence Française de Développement. URL : http://www.afd.fr/home/outils-de-financement-du-developpement/garantiesAFD
[13] Selon le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement du 31 juillet 2013.
[14] Revue de la politique du Contrat de désendettement et de développement (C2D), Rapport final, page 6, PWC, 2016.
[15] L’article R.516-7 du CMF dispose que « L'agence gère pour le compte de l'Etat et aux risques de celui-ci des opérations financées sur le budget de l'Etat. Les termes de ces opérations font l'objet de conventions spécifiques signées au nom de l'Etat par le ou les ministres compétents ».
[16] Convention du 29 décembre 2003 relative à la mise en œuvre de l'initiative bilatérale PPTE (contrats de désendettement et de développement).
[17] M. DUPRÉ, « Contrats de Désendettement et Développement (C2D) : un OVNI dans la coopération française ? », Techniques Financières et Développement, 1/2013 (n°110), p.33-36.
[18] International Bank for Reconstruction and Development, Articles of Agreement (as amended effective June 27, 2012), Article II.
[20] Les émissions « senior » de l’Agence, sans garantie directement de l’Etat, bénéficient de la notation AAA de Standard & Poor’s et Fitch Ratings.
[21] Attention, l’AFD ne reçoit pas de subventions de fonctionnement de la part de l’Etat.
[22] Rapport d'information n° 766 (2013-2014) de M. Jean-Claude Peyronnet M. Christian Cambon, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 23 juillet 2014, « Agence française de développement : quelles ambitions pour 2014-2016 ? ».

1 commentaire:

  1. Le Service de financement Le_Meridian est allé au-delà de leurs exigences pour m'aider à la consolidation de ma dette. Ils étaient des joyaux amicaux, professionnels et absolus avec lesquels travailler. Je recommanderai à toute personne à la recherche d’un prêt de prendre contact. Email..info@lemeridianfds.com
    WhatsApp ... + 19893943740.

    RépondreSupprimer