LA SANCTION DU TAEG ABSENT
Lilia Allaoua
27/01/2017
Résumé :
Le taux
effectif global (TEG), devenu récemment le taux annuel effectif global (TAEG) est
le taux d'intérêt fixé par
la banque ou l'établissement de crédit. Il permet d'évaluer le coût total du
crédit. Le principe est la
liberté de fixation des taux d’intérêt dans la limite du taux d’usure. Il
impose de nombreuses règles de fonds et de formes, notamment la mention écrite
de ce taux en vertu de l’article 1905 du code civil. La loi du 28 décembre 1966 imposant la
fixation par écrit du taux d’intérêt a été intégrée au code de la consommation
à l’article L314-5. L’exigence écrite du TEG est d’ordre public et constitue une
mention ad validitatem dont la
sanction entraîne la nullité de la fixation du taux. Cette nullité se traduit
par une déchéance du droit aux intérêts fixé et la substitution de ce taux par
le taux légal. Par ailleurs, en application de l'article L. 313-2 du code
de la consommation, la méconnaissance à l’obligation de mentionner par écrit le
TEG est pénalement sanctionnée.
Sumary :
The
global effective rate, which has recently become the annual global effective
rate, is the effective rate set up by banks. It allows to evaluate the global
cost of a loan. The main principle is the liberty in determining the interest
rates, with the limitation of the attrition rate. It implies numerous
procedural and substantial rules, such as the written statement of this rate by
application of the article 1905 of the Civil Code. The 28th december of 1966
law requiring the written setting of the rate of interest has been included in
the Consumer code at the article
L314-5. This rule is a public policy rule which determine the validity of the rate of interest with the sanction being the invalidity of the rate. This invalidity leads to the loss of this interest rate benefit which is replaced by the legal default rate. Moreover, by virtue of the article L341-49 of the Consumer code, a breach in the obligation of writing the rate is criminally punishable.
L314-5. This rule is a public policy rule which determine the validity of the rate of interest with the sanction being the invalidity of the rate. This invalidity leads to the loss of this interest rate benefit which is replaced by the legal default rate. Moreover, by virtue of the article L341-49 of the Consumer code, a breach in the obligation of writing the rate is criminally punishable.
A l’origine, le prêt était un
« service d’ami ». Il était à cet effet gratuit dans sa conception de
1804[1]. Toutefois, déjà à cette époque l’article
1905[2]
contrebalançait ce « service d’ami ». Il permettait dès lors de stipuler des intérêts à ce prêt. Cette disposition
étant entendue largement, s’applique également aux prêts commerciaux. Cependant, il ne reste que très peu de
service d’ami aujourd’hui. En effet, selon l’Observatoire des Crédits aux
Ménages dans leur dernière enquête réalisée en novembre 2016[3],
18,1% des ménages empruntent auprès d’une banque ou d’un organisme de crédit. Les banques ne finançant pas sans
intérêt, le taux effectif global (TEG) est devenu le taux annuel effectif
global (TAEG)[4].
Le TAEG existait déjà pour les crédits à
la consommation, cette formule, mais surtout son régime a été étendu aux crédits
immobiliers depuis le 1er octobre 2016. Ce taux est en l’occurrence,
le taux d'intérêt fixé par la banque ou l'établissement de crédit. Il permet
d'évaluer le coût total du crédit. Afin de permettre aisément la comparaison
d'une offre de prêt d'un pays à l'autre, les quinze États de l'Union européenne
avaient décidé, en 1998, de promouvoir un mode de calcul unique pour les TEG des prêts et des crédits à la
consommation.
Dès lors, chaque pays de l'Union avait le choix entre deux formules
mathématiques : d'une part, la méthode équivalente et, d'autre part, la méthode
proportionnelle utilisée en France[5].
La composition est la même, il est composé de toutes les charges constituant un
accessoire de crédit, telles que les commissions, les taxes et assurances,
ainsi que les frais de dossiers.
Le principe est la liberté de fixation
des taux d’intérêt dans la limite du taux d’usure[6]. Le taux d’usure a été instauré en France par
une loi du 28 décembre 1966, dont le but principal était d’arrêter un plafond
aux taux des crédits accordés aux particuliers.
Ainsi ce taux d'intérêt fixé par la banque, ne peut être supérieur au « taux de l'usure », c'est-à-dire au taux maximal légal applicable fixé par la Banque de France[7].
Ainsi ce taux d'intérêt fixé par la banque, ne peut être supérieur au « taux de l'usure », c'est-à-dire au taux maximal légal applicable fixé par la Banque de France[7].
Le TAEG étant un indicateur important
dans le monde bancaire, il est soumis à une condition fondamentale pour sa
validité : celle d’une mention écrite. Ainsi dans quelle mesure le non
respect de la mention écrite du TAEG entraîne-t-il la nullité de ce taux ?
L’exigence de l’obligation écrite du TAEG
(I) est une condition ad validitatem de celui-ci, entraînant
la nullité en cas de non respect, ce qui n’est pas exempte de contestations (II).
I-
L’exigence
d’une obligation écrite du TAEG
Tous les contrats ne sont pas concernés par
le TAEG (A), pour ceux dont le TAEG est indispensable, ils sont soumis à cette
obligation de mention écrite, ceci en respectant des conditions de formes (B).
A) Les
contrats concernés par le TAEG
Deux questions se sont essentiellement
posées sur le champs d’application de ce taux, à savoir s’il devait être étendu
aux contrats conclus verbalement, et s’il concernait les contrats conclus entre
professionnels.
Il est prévu par le
législateur, que le taux effectif global déterminé selon les modalités prévues
aux articles L314-1 à L314-4 est mentionné dans tout écrit constatant un
contrat de prêt[8].
Le « prêt » étant, le contrat par lequel le prêteur remet à
l’emprunteur une somme d’argent ici, à charge de restitution au terme qu’elles
conviennent.
Cette règle pourrait être interprétée comme limitant l’exigence de la mention du taux à l’hypothèse où le prêt est constaté dans un écrit. Quand est-il du prêt conclu verbalement ? La jurisprudence a considéré que la fixation du taux par écrit est une règle d’application générale, indépendante de la forme qu’emprunte la convention de crédit. Un crédit verbal y est ainsi soumis[9].
Cette règle pourrait être interprétée comme limitant l’exigence de la mention du taux à l’hypothèse où le prêt est constaté dans un écrit. Quand est-il du prêt conclu verbalement ? La jurisprudence a considéré que la fixation du taux par écrit est une règle d’application générale, indépendante de la forme qu’emprunte la convention de crédit. Un crédit verbal y est ainsi soumis[9].
Le fait
que la disposition de la loi du 28 décembre 1966, imposant la fixation par
écrit du taux d’intérêt a été inséré au code de la consommation créait un doute
quant à l’application de la règle aux crédits consentis à des professionnels. A
nouveau, la cour de cassation en a fait une application générale [10].
D’ailleurs, confirmé plus tard par la loi sur l’initiative économique retranscrite
à l’article L313-4 du Code monétaire et financier qui renvoie au Code de la
consommation[11].
B) La mention écrite du TAEG : les
conditions de formes
L’écrit n’est pas exigé lorsqu’il s’agit
d’une simple prorogation de crédit sans modification[12].
De même échappe aussi à l’exigence de l’écrit les prêts contractés à
l’étranger, même si les emprunteurs résident en France.[13].
L’obligation d’indiquer le TAEG s’étend à
toutes les publicités ou offres de prêts, et à tous les écrits constatant un
prêt.
L’exigence écrite du TAEG est une mention
ad validitatem de la stipulation
d’intérêts[14],
et ne doit pas seulement contenir le mode de calcul de l’intérêt[15].
L’expression latine ad validitatem implique
que l’écrit est requis pour qu’il soit valide.
La mention écrite est d’ordre public[16],
on ne peut y renoncer. On peut citer en ce sens un arrêt rendu par la première
chambre civile de la Cour de cassation rendu le 15 octobre 2014[17],
dans lequel les parties à un contrat de prêt avaient considéré que les
circonstances étaient telles que le calcul du TEG ne pouvait être déterminé au
préalable. Cette constatation avait mené l’emprunteur à reconnaître par
écrit, qu’il renonçait à se prévaloir de la mention imposant de mentionner le
TEG par écrit dans le contrat de prêt.
Sur la forme de l’écrit, le TAEG doit
être mentionné de façon claire, précise et visible[18],
et doit figurer dans une taille de caractère plus importante que celle utilisée
pour indiquer toute autre information relative aux caractéristiques du
financement[19].
Le TAEG s’applique aux contrats de crédit,
il est soumis à des règles de fonds et de formes, notamment à celle d’une
mention écrite, qui en cas de non respect entraîne une sanction civile et
pénale non exempte de contestations.
II-
Une nullité contestée
La mention écrite eu TAEG est une mention ad validitatem, qui en cas de non respect entraine la nullité de ce
taux (A), bien qu’elle soit contestée (B).
A)
La nullité du taux annuel effectif global
L’exigence
écrite du TAEG est une condition de validité du taux. La sanction est alors la
nullité[20], qui
est ici une nullité relative dont le préteur ne peut se prévaloir[21].
Cependant, l’absence d’écrit n’entraine pas la
nullité du contrat de prêt, car cela aurait été au détriment de l’emprunteur. Le
prêt ne devient pas non plus gratuit[22].
Ne
pouvant pas prononcer la nullité du taux, et laisser ainsi le contrat sans
aucun intérêt, le législateur a tenté de trouver une solution, un juste milieu
et a mis un place un taux de substitution.
De
manière simultanée, pour faire face aux ambitions du législateur, les banques
ont tenté de faire reconnaître comme taux de substitution, un taux de base, un
taux d’usage.
Mais
la jurisprudence a tranché en faveur d’un taux légal[23], qui
sera appliqué en cas de prononcé de déchéance de l’intérêt initialement prévu. L’excédent
éventuel versé s’imputant sur le capital.
S’agissant
de la prescription, celle-ci est de cinq ans[24] à
compter de la date de conclusion du contrat. L’exception de nullité reste
opposable, mais seulement pour faire échec à une demande d’exécution de la
stipulation d’intérêt irrégulière non encore exécutée. La prescription est
également de cinq ans pour demander la répétition des intérêts[25].
A savoir qu’en plus de la sanction
civile, une sanction pénale est encourue[26] :
une amende de 150 000 euros.
B)
Une sanction contestée
La
jurisprudence a ainsi préconisé une sanction, qui est la nullité de la
stipulation d’intérêt et la substitution du taux légal au taux d’intérêt légal
conventionnel. Pour cela, elle s’est fondée contra legem[27], au
motif que la mention écrite est une condition de validité de la stipulation
d’intérêt. Seulement, cette solution n’est pas exempte de contestations.
Dans un premier lieu, elle pourrait
paraître comme contraire à la force obligatoire des contrats, en ce qu’elle
donne un pouvoir de révision au juge puisque l’on permet à ce dernier de
substituer le taux initialement conclu par les parties, au taux légal.
D’autre
part, cette sanction est à tout le moins un manque à gagner pour les banques.
En raison de cette onéreuse sanction, elles supportent des frais importants. En
effet, on observe une multiplicité de contentieux en la matière. Certains
parlent même d’« aubaine
contentieuse »[28] pour
les emprunteurs, en raison du niveau bas actuel du taux légal.
C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a voulu contrer cet effet néfaste de cette explosion contentieuse. Elle décide d’accueillir cette action, seulement quand la différence entre le TAEG mentionné et celui qui aurait du l’être est inférieur, ou égal, à une décimale en ce sens, arrêt de principe de la Cour de cassation rendu par la première chambre civile le 26 novembre 2014[29], et confirmé le 9 avril 2015[30].
C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a voulu contrer cet effet néfaste de cette explosion contentieuse. Elle décide d’accueillir cette action, seulement quand la différence entre le TAEG mentionné et celui qui aurait du l’être est inférieur, ou égal, à une décimale en ce sens, arrêt de principe de la Cour de cassation rendu par la première chambre civile le 26 novembre 2014[29], et confirmé le 9 avril 2015[30].
Toutefois,
ce n’est toujours pas suffisant et les contentieux continuent d’augmenter.
La solution pourrait être, d’indemniser le prêteur à hauteur du préjudice subit une fois prouvé pour éviter l’effet d’aubaine. Mais la cour de cassation s’y oppose toujours, notamment dans un arrêt rendu le 30 octobre 2012 par la chambre commerciale de la Cour de cassation[31].
La solution pourrait être, d’indemniser le prêteur à hauteur du préjudice subit une fois prouvé pour éviter l’effet d’aubaine. Mais la cour de cassation s’y oppose toujours, notamment dans un arrêt rendu le 30 octobre 2012 par la chambre commerciale de la Cour de cassation[31].
[1] C. GAVALDA, Manuel droit bancaire, lexisnexis, 9ème
éd, 2015, p.356.
[2] Art.1905 Code
civil : « Il est permis de stipuler des intérêts pour simple prêt
soit d'argent, soit de denrées, ou autres choses mobilières ».
[4] Art. L314-3 Code de la
consommation : « Pour les contrats de crédit entrant dans le champ
d'application des chapitres II et III du présent titre, le taux effectif global
est dénommé " Taux annuel effectif global" » c’est-à-dire pour les
crédits mobiliers et immobiliers.
[5] T. BONNEAU, Droit
Bancaire, LGDJ, 11ème éd, 2015, p.70.
[6] Art L314-6 du Code de
la consommation.
[7] https://www.banque-france.fr
[9] C. GAVALDA, Manuel droit bancaire, lexisnexis, 9ème
éd, 2015, p.357.
[10] Cass.com., 10 juin 2008,
3 arrêts n° 06-18906, 06-19905, 06-19452.
[11] Art. L313-3 du Code
monétaire et financier : « Les règles relatives au taux effectif
global des crédits sont fixées par les articles L. 314-1 à L. 314-5 et L.
341-49 du code de la consommation ».
[12] Cass.com. 9 juillet
2002, n° 00-22512.
[13] CA Pau 2ème
ch. 1er mars 2001, Épx Brousse c/Banque de Vasconia.
[14] Cass. 1ère civ.,
21 janvier 1992, n° 90-18121.
[15] Cass., civ. 2ème
section, 19 mai 2005.
[16] Art. L314-26 du Code de
la consommation.
[17] N° 13-17215.
[18] Art. L312-6 du Code de
la consommation.
[19] Art. L312-8 du Code de
la consommation.
[20] Cass. 1ère
civ., 28 juin 2007, n° 06-10209.
[21] Cass.1ère
civ., 21 février 1995, n° 92-18019.
[23] Cass. 1ère civ., 26 mai 1982, n° 81-11715.
[24] Art. 2224 du Code
civil.
[25] Cass. 1ère civ., 24 septembre 2002, n° 00-21278.
[26] Article L341-49 du Code
de la consommation.
[27] Art. L314-5 du Code de
la consommation.
[28] H. Sefiane, « La sanction critiquable du TEG absent ou
erroné », La semaine juridique des entreprises n°10,10 mars 2016,
1141.
[29] N° 13-23033.
[30] Com. 1ère
civ., 9 avril 2015, pourvoi n° 14-14216.
[31] N° 11-22258.